Written by Chantal CHARLES-ALFRED

Chantal Charles-Alfred, est originaire du Morne-Rouge en Martinique. Depuis sa plus tendre enfance, elle a été baignée lors des rencontres familiales par des anecdotes diverses sur les différents membres de la famille. Sa passion pour la généalogie est un héritage de son grand-père qui connut une vie remplie d’histoire et d’anecdotes.

2 janvier 2021

GASTON MONNERVILLE

(1897 – 1991)

 

Sa jeunesse

Gaston Monnerville est né à Cayenne, le 2 janvier 1897 en Guyane française. Il est le fils de de Marc Saint-Yves Monnerville et de Marie-Françoise ORVILLE. Du côté de son père, la famille est originaire de Case-Pilote, en Martinique. Le futur Président tenait le métissage de sang noir essentiellement de sa branche maternelle.

Son oncle, Saint-Just ORVILLE, sera maire de Case-Pilote. Il veillera sur la famille de sa sœur. En signe de reconnaissance, Gaston Monnerville  prendra, dans la clandestinité, le pseudonyme de SAINT-JUST.

un élève brillant

En 1912, Gaston Monnerville, boursier, quitte la Guyane et entre en classe de seconde, à Toulouse, au Lycée Pierre FERMAT, lycée installé dans le vieil Hôtel de Bernuy. Bien qu’elle ait déjà perdu deux enfants, sa mère a accepté d’envoyer ses deux autres fils , Pierre puis Gaston en France afin qu’ils puissent poursuivre leur scolarité. 

Gaston s’y montra un élève particulièrement brillant, aussi doué pour les matières scientifique que littéraires.

En classe de seconde, il  accumule les récompenses de toutes sortes : prix d’excellence, premier prix de mathématiques, deuxième prix de version latine, troisième prix d’histoire moderne, etc…

C’est ainsi qu’ il obtient son baccalauréat et continue ses études en droit et lettres à la faculté de lettres et de droit de Toulouse où il passera avec brio deux licences, une en droit et une en lettres en obtenant les félicitations du jury.

un parcours exceptionnel

En 1918, il s’inscrit au barreau de Toulouse où il demeure trois ans, avant de rejoindre Paris et de s’inscrire au barreau parisien. A Toulouse, Gaston Monnerville s’initie à la franc maçonnerie, qui permet, selon lui,  « à un homme moyen de s’ouvrir à certains plans de conscience et de devenir maître de sa propre germination« . Il la considère également comme « un lieu idéal de confrontation des idées et la meilleure école de la tolérance ».

Reçu, en 1921, au concours des Secrétaires de la Conférence de Paris, il obtient la Médaille d’Or  » Alexandre Fourtanier » qui récompense l’un des meilleurs Secrétaires. A ce titre, il prononce, à une séance solennelle de rentrée, un discours remarqué sur  » La Critique et le Droit de Réponse « 

A l’âge de 24 ans, il obtient son doctorat en droit, avec les félicitations du jury sur pour sa thèse sur « l’enrichissement sans causes ». Cette thèse sera honorée d’une souscription du ministère de l’instruction publique et primée au concours des thèses.

A la même période, Monnerville rejoint dans le cabinet d’un avocat célèbre de l’époque, César Campinchi, et y travaille pendant huit ans comme principal collaborateur de ce dernier. Il a en effet rapidement gagné la confiance de son patron par ses compétences et son ardeur au travail.

En 1923, Gaston Monnerville est élu président de l’Union des Jeunes Avocats. C’est également à cette époque qu’il épouse Thérèse Lapeyre.

Gaston Monnerville s’illustre comme grand avocat en plaidant dans plusieurs grandes affaires qui lui valent une certaine renommée. Il s’illustre notamment en 1931, dans l’affaire  » Galmot « . Inculpés, après l’émeute provoquée, en 1928, par la fraude électorale et par la mort suspecte de Jean Galmot, quatorze Guyanais sont traduits devant la Cour d’Assises de Nantes. Avec d’autres avocats (Alexandre Fourny, Alexandre et Henry Torres), Gaston Monnerville assure leur défense. Sa plaidoirie produit un effet considérable sur les jurés qui se prononcent pour l’acquittement.

A la suite de ce procès, Gaston Monnerville voit sa notoriété s’accroître. On lui demande alors en Guyane de se présenter à la députation contre le député sortant Eugène Lautier. Les élections ont lieu en 1932 et Monnerville est élu au premier tour du scrutin avec 1842 voix contre 1144 à son adversaire. Il sera maire de Cayenne de 1935 à 1945, année où il sera battu. En 1936 il est de nouveau réélu député.

Gaston Monnerville perçoit également très rapidement en ces années 1930 le danger que peut représenter l’accession d’Hitler au pouvoir et la propagation de l’hitlérisme.

Son engagement politique

La carrière de Gaston Monnerville en politique prend une nouvelle dimension lorsqu’il est choisi pour faire partie de deux gouvernements successifs entre juin 1937 et mars 1938 comme sous-secrétaire d’Etat aux colonies. Il initie un projet de loi pour la création d’un fonds de solidarité avec les colonies qui ne sera pas voté.

La nomination d’un homme de couleur au Gouvernement ne fut appréciée ni en Allemagne, ni en Italie. Dans  » l’Azione coloniale  » du 22 juillet 1937, un article titré  » Derrière le Rouge du Front Populaire vient le Noir  » annonce la création d’un sous-secrétariat d’Etat aux Colonies  » confié au noir Gaston Monnerville  » et commente :  » La France a adopté une politique indigène qui, outre qu’elle est une folie pour la nation française elle-même, est un danger pour les autres nations de l’Europe, car cette action qui dépasse le cadre purement politique pour rencontrer le cadre biologique, doit être dénoncée à l’opinion publique mondiale, là où existe une race incontestablement supérieure à celle de couleur que la France voudrait implanter au cœur de l’Europe ».

Dans le cadre de ces fonctions, Gaston Monnerville eut à traiter de deux dossiers importants : le fonds colonial et le conflit  Sino-japonais.

Le militant

En septembre 1939, la seconde guerre mondiale débute. Gaston Monnerville n’est pas mobilisable car il est âgé de plus de 40 ans et député, mais en compagnie de plusieurs autres députés, il obtient d’Edouard Daladier qu’un décret-loi les autorise à s’engager. Le décret paraît  le 5 septembre 1939 et Monnerville s’engage aussitôt le 7 septembre 1939 sur le cuirassé « Provence ». Après que le navire ait été coulé, Monnerville est démobilisé le 17 juillet 1940.

Il rejoint son ancien patron Campinchi à Marseille en août 40 avec qui il partage le même point de vue sur la seconde guerre mondiale et la victoire de l’Allemagne : la guerre n’en est qu’à ses débuts.

Monnerville se rendra à Vichy pour protester contre les premières mesures frappant les « Les Juifs, les Arabes et les hommes de couleur » prises par le maréchal Pétain et l’Etat français.

Monnerville assurera également la défense de personnes inquiétées par « l’Etat français pour leurs délits ou leurs opinions », ce qui lui vaudra d’être inquiété ou arrêté plusieurs fois par la police. Monnerville participera à la résistance militaire en rejoignant le maquis d’Auvergne. Il atteindra le grade de Commandant dans les F.F.I (Forces Françaises de l’Intérieur) sous le pseudonyme de Saint-Just qu’il a choisi en hommage à son oncle maternel.

Gaston Monnerville et son épouse sont établis à Cheylade, dans le Cantal, du 7 décembre 1942 au 5 août 1944. Saint-Just sera un actif agent de liaison entre les réseaux de Lozère, d’Ardèche et du Gard. Le poste de commandement du groupe Cheval est établi au château de Mazerolles. (C’est là que Monnerville apprendra le débarquement en Normandie du 6 juin 1944).

Les opérations s’intensifient à partir du début de 1944, lorsque le général Koenig, nommé commandant en chef des Forces Françaises de l’Intérieur, entreprend d’unifier les réseaux métropolitains.

L’hospice civil de Cheylade sera réquisitionné par les F.F.I., pour servir d’hôpital militaire. La gestion et l’administration en sont confiées à Gaston Monnerville, activement secondé par son épouse (juin-juillet-août 1944).

Enfin, Gaston Monnerville participe à l’opération du  » bec d’Allier « , du 7 au 10 septembre 1944. Il est démobilisé des F.F.I. à la fin de septembre 1944.

Début juin 1944, le Comité Français de Libération Nationale se transforme en « Gouvernement provisoire de la République française « , sous la présidence du Général de Gaulle. L’Assemblée consultative provisoire, instituée par l’ordonnance du 17 septembre 1943, réunie d’abord à Alger, siège ensuite à Paris au Palais du Luxembourg, à partir du 7 novembre 1944. (sous la présidence de Félix Gouin ).

Monnerville en est désigné membre par la Résistance. Président de la Commission de la France d’Outre-Mer, il contribue à préparer, en concertation avec le Général de Gaulle, le futur statut et le cadre constitutionnel de l’Union Française. Lors de la séance du 12 mai 1945, il célèbre, au nom des populations de nos provinces lointaines, la victoire des Alliés. Son discours est un hommage vibrant aux soldats originaires de l’Outre-Mer, qui ont libéré la métropole.

Octobre 1945 : Premier référendum. L’Assemblée qui sera élue aura des pouvoirs constituants, mais limités. 8 novembre : L’Assemblée Nationale Constituante se réunit au Palais Bourbon. Elle élit son Président : Félix Gouin. Gaston Monnerville en est élu membre.

21 janvier 1946 : Le Général de Gaulle donne sa démission. Félix Gouin devient Président du gouvernement provisoire.

19 mars 1946 : Les quatre vieilles colonies françaises (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion) sont transformées en départements d’Outre-Mer. Gaston Monnerville a pris une part déterminante dans ce changement de statut.

Il reprend également son ancien projet de création d’un fonds colonial et dépose, en ce sens, une proposition de loi en mars 1946. Le 30 avril, la loi créant le Fonds d’Investissement pour le Développement Economique Et Social des territoires d’Outre-Mer (F.I.D.E.S.) est votée.

En novembre 1946, il est battu lors des élections législatives qui ont lieu en Guyane. Il sera réélu quelques semaines plus tard au second « conseil de la république », nouvellement créé, sans même  avoir fait acte de candidature !

Gaston Monnerville est d’abord membre du Bureau du Conseil de la République (qui remplace le sénat), et en est l’un des trois vice-présidents lors de la désignation du bureau définitif en décembre 1946, avant d’être élu président en mars 1947.

Monnerville sera constamment réélu au fauteuil présidentiel, durant toute la décennie.  

En novembre 1948, il est également élu sénateur du Lot (ayant décidé de ne pas se présenter en Guyane car ses fonctions ne lui permettraient pas de suivre de près les affaires guyanaises).

En novembre 1949, il renforça son implantation, en devenant Conseiller Général de Souceyrac. Il fut ensuite élu au conseil général en 1949, qu’il présida de 1951 à 1970. Il fut enfin élu maire de Saint-Céré de 1964 à 1971.

En 1958, à la suite de la révolte d’Alger, Gaston Monnerville participe activement au retour de De Gaulle qu’il convainc de respecter les procédures parlementaires et l’invite à se soumettre à l’investiture des députés.

Une nouvelle constitution est votée, qui redonne à la Haute Assemblée (conseil de la république) le nom de Sénat, son prestige et lui permet de retrouver une partie de ses anciens pouvoirs. Elle vote les lois et exerce un contrôle sur le gouvernement. Le président du Sénat prend une place plus importante sur l’échiquier national puisqu’en cas d’empêchement du président de la république, c’est lui qui doit assurer l’intérim. Gaston Monnerville devient ainsi le second personnage de l’Etat.

Mais les relations entre les deux hommes ne tardent pas à se brouiller. En effet, au cours de l’année 1962, le général de Gaulle choisit de faire réviser la constitution afin que le président de la république soit désormais élu au suffrage universel direct. Il choisit d’utiliser l’article 11 de la constitution et non l’article 89 prévu à cet effet.

Gaston Monnerville qualifie de forfaiture le fait que le premier ministre (Pompidou) accepte de passer pour celui qui a eu l’initiative de ce référendum alors que c’est De Gaulle qui en a l’idée et qui utilise le premier ministre pour la faire valider sans passer par l’approbation de l’assemblée ou du sénat.

Gaston Monnerville annonce à la tribune d’une réunion du parti radical qu’il votera non  !!

« Au cours d’une allocution radio télévisée, le Président de la République a dit « j’ai le droit ».
Avec la haute considération due à ses fonctions, mais avec gravité, avec fermeté, je réponds : non monsieur le Président de la République, vous n’avez pas le droit, vous le prenez (…) Il n’y a plus de république lorsque le pouvoir ne s’impose plus à lui-même le respect de la loi. Laissez-moi vous dire que la motion de censure m’apparaît comme la réplique directe, légale, constitutionnelle,
à ce que j’appelle une forfaiture ».

2 jours plus tard, Gaston Monnerville est réélu à une quasi-unanimité comme président du sénat ! (212 voix sur 215 votants). Le référendum sera cependant approuvé par la majorité des français plus lassés par l’instabilité de la IVème république que préoccupés par le fait de savoir si le général de Gaulle viole ou non la constitution.

Le mot forfaiture passe à la postérité puisqu’il fait sensation auprès des journalistes qui voient le général de Gaulle visé par le qualificatif employé par le Président du Sénat (« Le premier personnage de l’Etat accusé par le second de forfaiture » titrera un journal).

Le projet de loi relatif à l’élection du président au suffrage universel modifiait en outre les conditions fixées pour l’intérim de la présidence de la république en minimisant le rôle de l’intérimaire éventuel président du sénat  et augmentant celui du premier ministre.

« Certains veulent voir dans ces mesures la volonté de réduire au minimum les pouvoirs de Monsieur Monnerville éventuel président intérimaire, et de renforcer ceux du premier ministre en cas de vacances » peut-on lire dans « Année politique » de 1968.

Gaston Monnerville sera réélu président du sénat en 1962, puis de nouveau en 1965,  mais ses rapports avec le Général de Gaulle et son premier ministre vont devenir tendus, De Gaulle invitant ses ministres à boycotter les séances du sénat auxquelles ils assistaient régulièrement.

En septembre 1968, Gaston Monnerville décide de ne pas se représenter à la présidence du Sénat achevant ainsi 22 années de présidence à la tête d’une des plus importantes institutions de la république française.

Ayant renoncé à la présidence du sénat, Gaston Monnerville continue tout de même à exercer son mandat de sénateur pendant six années .

En février 1974, il est choisi par Alain Poher comme membre du Conseil Constitutionnel. Il siègera au Conseil Constitutionnel pendant neuf ans.

Son mandat achevé, il conserve une vie active. Déjà Chevalier de l’ordre de laà Légion d’Honneur pour ses actes de bravoure et de résistance, en 1983, il est promu Officier de l’ordre de la Légion d’Honneur par le chef de l’État, François Mitterrand, qui lui remet la «rosette» à l’Elysée.

Agé de 86 ans, il participe encore à des conférences et publie ses mémoires. Tout au long de sa carrière, il s’est consacré à l’écriture en  publiant des études politiques, juridiques, de nombreux articles, livres et manuscrits.

Gaston Monnerville décèdera  à Paris le 7 novembre 1991, peu avant d’atteindre ses 95 ans. De nombreux lieux symboliques rendent aujourd’hui hommage à sa mémoire.

Les sources 

https://www.senat.fr/histoire/

https://www.sciencespo.fr/

 

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2 Commentaires

  1. Johanna

    Mon défunt grand père (mr orville ) parlait souvent d’un membre de sa famille qui était maire sur case pilote. Il disait donc vrai…..

    Réponse
    • Chantal CHARLES-ALFRED

      Bonjour Johanna, je vous invite à faire votre généalogie pour vérifier tous ces éléments.

      Réponse

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