Sonny RUPAIRE
(1940 – 1991)
Poète, instituteur, militant et homme de conviction, Sonny Émile Ernest RUPAIRE a fait de sa plume une arme de combat et d’amour pour la Guadeloupe. Premier grand poète à écrire en créole, il incarne la parole insurgée d’un peuple en quête de reconnaissance et de liberté.
Enfance et parcours
Sonny Rupaire, Sony Émile Ernest Rupaire, est un poète militant né à Pointe-à-Pitre le 7 novembre 1940.
Son enfance est marquée très tôt par le décès de sa mère. Sonny est alors âgé de 7 ans.
Fils d’une famille d’enseignants, il effectue ses études secondaires d’abord au Lycée de Pointe-à-Pitre en 1953, puis intègre l’École Normale en 1959.
Dès l’adolescence, le jeune Sonny montre une sensibilité poétique affirmée. Il compose ses premiers poèmes sur la vie scolaire et participe aux Jeux Floraux, concours littéraire prestigieux de l’époque.
Entre 1957 et 1966, il remporte plusieurs distinctions, dont la Palme d’or martiniquaise en 1960.
Il écrit alors en français, mais remarque déjà que « la bibliothèque du lycée ne contient aucun livre d’auteur antillais », une absence qui nourrira son combat culturel.
Son poème « Les Dameurs« (1957) le révèle au grand public : il y dénonce avec force la cruauté de l’esclavage et réclame justice pour les peuples colonisés.
Diplômé en 1961, il devient instituteur à Saint-Claude, en Guadeloupe.
Le rebelle insoumis
En 1961, Sonny Rupaire est appelé sous les drapeaux pour combattre la répression algérienne.
Il refuse de faire la guerre dans le camp des forces coloniales françaises, et quitte la Guadeloupe pour soutenir l’A.L.N. (l’Armée de Libération Nationale) en Algérie. Il sera d’ailleurs condamné en 1963 par le Tribunal de Bordeaux pour insoumission en temps de paix.
Après l’indépendance de l’Algérie, il reste sur place et enseigne à Douera, près d’Alger, où il participe à la mise en place du système éducatif du jeune État algérien.
Mais les événements tragiques de mai 1967 à Pointe-à-Pitre, où plusieurs Guadeloupéens sont abattus par les forces de l’ordre, le bouleversent profondément.
Il décide alors de revenir au pays et d’écrire désormais en créole, langue du peuple, langue de vérité.
Le militant de la cause guadeloupéenne
A la fin de 1967, Sonny Rupaire part pour Cuba, représentant de l’A.G.E.G. (Association Générale des Étudiants Guadeloupéens) auprès de l’O.C.L.A.E. (Organisation Continentale Latino-Américaine des Étudiants).
Après avoir longtemps composé en français, à partir de 1968, il décide de s’exprimer essentiellement en créole car selon lui c’est la seule langue que comprend les ouvriers et les agriculteurs « sé sèl lang-la moun an péyi-a ka konprann » ».
C’est ainsi qu’il compose une vingtaine de poèmes et une pièce de théâtre en trois actes, « Lan nuit’ a on som’ambil » (La nuit d’un somnambule), entièrement en créole.
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Retour clandestin et renaissance
En 1969, il rentre clandestinement en Guadeloupe sous le pseudonyme de Kanmarad Max.
Il vit dans la clandestinité jusqu’à son amnistie en 1971, année où il participe à la fondation de l’U.T.A.G. (Union des Travailleurs Agricoles de Guadeloupe), premier syndicat non rattaché à une centrale française.
Cette même année paraît son premier recueil bilingue, « Cette igname brisée qu’est ma terre natale« / « Gran parade ti cou-baton« , réédité ensuite en créole sous le titre
« Gran parad ti kou baton – Kréyol porèm an kréyol Gwadloupéyen« .
L’homme d’action
Réintégré dans l’Éducation nationale en 1973, il s’investit dans la vie syndicale et politique.
Il contribue à la création de plusieurs organisations majeures :
- U.G.T.G. (Union Générale des Travailleurs Guadeloupéens),
- S.G.E.G. (Syndicat Général de l’Éducation de Guadeloupe),
- et surtout l’U.P.L.G. (Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe), dont il est l’un des porte-parole fondateurs.
Il rédige également pour le journal « Lendépandans », organe de l’U.P.L.G., où il défend l’idée d’une Guadeloupe autonome, culturellement et politiquement émancipée.
Fin de parcours et héritage
Sonny Rupaire s’éteint à Trois-Rivières le 25 février 1991, à l’âge de 51 ans.
Sa mort laisse orphelins les poètes, les syndicalistes et les militants d’une Guadeloupe en pleine affirmation identitaire.
La reconnaissance
Sonny Rupaire est aujourd’hui considéré comme un des pères de la poésie en langue créole mais également comme un poète de référence en Guadeloupe.
En 1994, le prix Sonny Rupaire est créé. Accompagné d’un trophée, Masque en métal, créé par l’artiste René Louise il récompense avant tout une oeuvre en créole.
En 2013, le lycée de la commune de Sainte-Rose en Guadeloupe est rebaptisé Lycée Sonny Rupaire, en hommage au poète.
Sources :
https://ile-en-ile.org/rupaire
http://www.cases-rebelles.org/neg-move-sije-se-nou-en-memoire-de-sonny-rupaire/
















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