GERTY ARCHIMEDE
Pionnière de la justice et de la politique guadeloupéenne
(1909 – 1980)
Née le 26 avril 1909 à Morne-à-l’Eau, Gerty Marie Bernadette Archimède incarne l’audace et la détermination des grandes figures féminines antillaises du XXᵉ siècle.
Fille de Justin Archimède, artisan boulanger devenu maire et conseiller général de Morne-à-l’Eau, elle grandit dans un environnement où l’engagement public et le sens du devoir guident chaque action.
Justin Archimède, homme instruit et respecté, fut proche du député René-Achille Boisneuf, l’un des premiers élus noirs à défendre à la Chambre des députés (1924–1926) l’égalité de droits entre la France et ses colonies.
Cette amitié et cette admiration marqueront profondément la jeune Gerty. Elle grandit dans l’ombre de ces figures masculines qui croyaient à la force de la parole, du droit et de la justice pour transformer la société.
Aînée d’une fratrie de cinq enfants, Gerty développe très tôt un sens aigu de la responsabilité et un goût prononcé pour la justice.
Une juriste d’exception
Après l’obtention de son baccalauréat au baccalauréat au Lycée Carnot de Pointe-à-Pitre, Gerty Archimède travaille à la Banque de Guadeloupe pour financer ses études de droit.
Elle commence son parcours universitaire en Martinique, avant de poursuivre à la Sorbonne, à Paris, où elle décroche sa licence en droit.
En 1939, elle entre dans l’histoire en devenant la première femme inscrite au barreau de la Guadeloupe. .
Son talent oratoire, sa rigueur et sa force de conviction s’imposent rapidement dans un milieu alors exclusivement masculin. Avocate brillante, elle se distingue par la qualité de ses plaidoiries et son dévouement à défendre les plus démunis.
Dans son cabinet à Basse-Terre, elle défend les ouvriers agricoles, les femmes sans ressources, les victimes de discriminations raciales et sociales, et s’impose comme la voix des sans-voix.
L’affaire des 16 de Basse-Pointe :
En 1948, un drame secoue la Martinique. Le géreur béké Guy de Fabrique Saint-Tours est assassiné à Basse-Pointe.
Seize ouvriers agricoles noirs, syndiqués et proches du Parti Communiste, sont arrêtés et accusés sans preuves.
Cette affaire, hautement politique, symbolise la lutte des travailleurs antillais contre un système colonial inégalitaire.
Le procès, déplacé à Bordeaux pour calmer les tensions locales, devient le symbole d’une justice coloniale à deux vitesses.
C’est alors que Gerty Archimède, avocate guadeloupéenne et militante communiste, rejoint l’équipe de défense aux côtés de Marcel Manville.
Unique femme noire dans la salle d’audience, elle se dresse avec courage face à l’injustice.Son éloquence et son calme impressionnent le jury.
Gerty Archimède dénonce sans détour les préjugés raciaux et l’exploitation des travailleurs agricoles :
« Ce procès n’est pas celui de seize hommes, mais celui d’un système qui nie la dignité des peuples d’outre-mer. »
Le 2 août 1951, les seize accusés sont acquittés.
Cet acquittement marque une victoire éclatante pour la justice sociale et consacre Gerty Archimède comme figure incontournable du combat anticolonial.
Une députée du peuple
Son engagement politique naît de la conviction que le combat pour la justice passe aussi par l’action publique.
En 1945, Gerty Archimède est élue conseillère générale sur la liste d’entente prolétarienne socialo-communiste. Un an plus tard, elle devient la première femme guadeloupéenne élue députée à l’Assemblée nationale, où elle siège de 1946 à 1951 au sein du groupe communiste français.
A Paris, elle porte la voix des Guadeloupéens et des peuples d’outre-mer.
Son action politique s’inscrit dans la continuité de son engagement d’avocate : justice, égalité, dignité et progrès social. Application réelle de la départementalisation de 1946 pour garantir les mêmes droits sociaux qu’en métropole (santé, retraites, salaires) ;Égalité salariale et amélioration des conditions de travail des fonctionnaires ultramarins ;Accès des femmes à la vie publique, au travail et à l’éducation ;Lutte contre les discriminations coloniales et les inégalités raciales. Pour Gerty Archimède, la politique n’est pas un privilège, mais un devoir au service du peuple.
Une militante féministe et humaniste
Féministe engagée, Gerty Archimède participe à la création de la Fédération de l’Union des Femmes Françaises, qui deviendra plus tard l’Union des Femmes Guadeloupéennes (UFG).
A travers cette organisation, elle œuvre sans relâche pour l’émancipation, la dignité et les droits des femmes guadeloupéennes.
En juillet 1957, elle contribue à la fondation de l’Académie du Créole Antillais (ACRA), signe de son attachement à la culture et à la langue créole.
Dans les années 1970, elle s’engage activement en faveur d’Angela Davis, militante afro-américaine injustement accusée aux États-Unis .
Gerty Archimède organise en Guadeloupe des comités de soutien et des campagnes de sensibilisation en faveur de la jeune femme, faisant résonner la solidarité caribéenne à l’échelle internationale.
Une femme de conviction
Elle préside le 7ème congrès du Parti Communiste Guadeloupéen du 17 au 18 mai 1980. Ce sera sa dernière apparition publique.
Quelques mois plus tard, le 15 août 1980, Gerty Archimède s’éteint brusquement dans sa maison de Basse-Terre.
Une reconnaissance gravée dans les rues et la mémoire
Aujourd’hui, la mémoire de Gerty Archimède vit bien au-delà des discours.
Son nom est inscrit dans l’espace public de la Guadeloupe et de la France, symbole durable de son engagement et de son influence.
A Basse-Terre, sa ville de cœur, une rue principale porte son nom :
Rue Gerty Archimède, qui traverse le centre-ville historique non loin du Palais de Justice où elle exerça en tant qu’avocate.
Son héritage est également honoré par la création du Musée Gerty Archimède, situé à Basse-Terre, dans sa maison natale restaurée où sont exposés documents, photos et objets personnels.
Ce lieu de mémoire retrace sa vie, ses combats politiques et féministes, et présente de nombreux documents d’époque, photos et objets personnels.
En dehors de la Guadeloupe, son nom a aussi été attribué à plusieurs établissements scolaires et voies publiques, signe d’une reconnaissance nationale :
- Collège Gerty Archimède à Morne-à-l’Eau, sa commune natale.
- Rue Gerty Archimède à Paris (12ᵉ arrondissement), inaugurée en 2006, qui rend hommage à cette pionnière de la République
A travers ces lieux, la mémoire de Gerty Archimède continue d’inspirer les jeunes générations, en Guadeloupe comme ailleurs.
Son nom reste aujourd’hui synonyme de courage, de dignité et d’émancipation.
http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/














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