Paulette NARDAL
(1896 – 1985)
Sommaire
Félix Jeanne Paule NARDAL dite « Paulette » est née au François en Martinique le 12 octobre 1896.
Issue d’une famille illustre, dont l’arrière-grand-mère, Sidonie NARDAL a connu l’esclavage, Paulette est l’ainée d’une famille bourgeoise de 7 filles. Dans la famille NARDAL, l’excellence est de mise, chacun excellant dans son art.
Une famille cultivée
Ses parents issus de la petite bourgeoisie, sont très fervents de musique et de chant. Son père joue remarquablement du piano et de la flûte tandis que sa mère est une virtuose de l’orgue. Paulette est âgée de 6 ans lors de l’éruption de la montagne Pelée.
Son père, Paul NARDAL est le premier ingénieur noir en Travaux Publics. Il deviendra par la suite Directeur des « Ponts et Chaussées », transformés par la suite en Direction de l’Equipement.
Il participa à la construction de plusieurs ouvrages dont certains sont encore visible aujourd’hui, tels que le Pont de l’Alma ainsi qu’une partie de l’Église de Ducos.
Durant ses années de service, Paul NARDAL enseigne également les mathématiques et la physique, formant ainsi des générations d’ingénieurs martiniquais.
Il terminera sa carrière en qualité de chef du service des Eaux et Assainissements et laissera le souvenir d’un homme de très grande qualité et particulièrement bon. La République reconnaîtra les qualités de cet homme, qui recevra les Palmes Académiques et la Médaille de la Légion d’Honneur.
Une rue porte aujourd’hui son nom à Fort-de-France.
Sa mère, Louise Marcelline ACHILLE est institutrice, pianiste de grand talent et très impliquée dans la vie culturelle de la Cité.
Son grand-père maternel Louis-Thomas ACHILLE, mulâtre, est huissier de justice au Lamentin et sa grand-mère Elisabeth Mérope CHARLES-JOSEPH-JULIE une grande virtuose.
Femme de lettres pionnière
Après des études classiques à Fort-de France, elle part à Paris en 1920 avec sa sœur Jane et s’inscrit à la Sorbonne pour y étudier l’anglais. Jane choisit elle d’étudier la littérature. Elles sont toutes les deux les premières étudiantes noires de la Sorbonne, à une époque où peu de femmes et peu de noirs avaient accès à cette institution.
Paulette et sa sœur font partie intégrante de la vie culturelle parisienne : concerts, théâtre. Elle fréquente aussi le bal nègre de la rue Blomet ainsi que d’autres lieux branchés tels que Le Grand duc, le cabaret d’Eugène BULLARD. Elle y fait d’ailleurs la connaissance de Joséphine BAKER et de la cantatrice Marian ANDERSON.
A l’issue de sa thèse et aussi par tradition familiale, Paulette décide d’organiser des salons littéraires dans son logement de Clamart afin de valoriser la diaspora.
Elle y aborde plusieurs thématiques telles que l’émancipation de la femme noire ou la théorie de la négritude. Plusieurs étudiants de l’époque, tels que Léopold Sedar SENGHOR, Aimé CÉSAIRE, sa femme Suzanne, Léon GONTRAN-DAMAS, René MARAN, Gerty ARCHIMÈDE, Nicolas GUILLEM, Jenny ALPHA et bien d’autres participeront à ces échanges culturels. Ils deviendront par la suite des écrivains illustres et incontournables de la littérature.
Parfaitement bilingues, Paulette et sa sœur reçoivent aussi des personnalités artistiques ou littéraires afro-américaines tels que Richard WRIGHT, Markus GARVEY, Langston HUGUES et Claude Mc KAY qui fréquenteront aussi son salon.
En 1931 avec les écrivains Léo SAJOUS et René MARAN , elle fonde « La Revue du Monde Noir » éditée en français et anglais et devient par la même la première journaliste noire.
Son objectif affiché est de « créer entre les Noirs du monde entier, sans distinction de nationalité, un lien intellectuel et moral qui leur permette de mieux se connaître, de s’aimer fraternellement, de défendre plus efficacement leurs intérêts collectifs et d’illustrer leur race ».
La revue cesse de paraître en 1932 après seulement six numéros pour cause de contraintes économiques.
Ses sœurs Jeanne et Andrée étaient aussi des contributrices de la revue, tout comme leur cousin germain Louis–Thomas ACHILLE.
D’autres écrivains vont reprendre le flambeau de ce courant littéraire de la Négritude, tels que Aimé CÉSAIRE ou Léopold Sedar SENGHOR, notamment avec la revue « l’Etudiant Noir » tout en omettant largement de donner crédit à Paulette NARDAL qui écrira « CÉSAIRE et SENGHOR ont repris les idées que nous avons brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d’étincelles, nous n’étions que des femmes ! Nous avons balisé les pistes pour les hommes ».
En 1935, elle devient la secrétaire du parlementaire martiniquais socialiste Joseph LAGROSILLIÈRE puis de Galandou DIOUF, élu député du Sénégal en 1934.
En 1937, se sentant proche de l’Afrique et des Africains, elle se rend au Sénégal sur l’invitation de son ami Léopold Sédar SENGHOR et s’engage politiquement contre l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie fasciste de MUSSOLINI en 1938.
En 1939, alors qu’elle rentre de Martinique en bateau peu après le déclenchement de la Guerre, son navire est coulé par un sous-marin allemand. Paulette parvient à se sauver en se jetant dans un canot de sauvetage, mais elle se fracture les deux rotules dans la chute ; elle en restera infirme à vie.
Une militante très engagée
Dès sa sortie de l’hôpital anglais où elle est soignée, elle retourne vivre en Martinique où en dissidente motivée elle donne clandestinement des cours d’anglais à des jeunes Martiniquais qui, désireux de rejoindre Charles de Gaulle, transitent par Sainte-Lucie. Elle ouvre un nouveau salon littéraire.
À la suite de l’ordonnance du 21 avril 1944 qui accorde le droit de vote aux femmes, Paulette NARDAL crée le Rassemblement Féminin en 1945. Ce parti sera à l’origine de nombreuses actions telles que la création de crèches ou diverses aides pour les mères célibataires.
Elle souhaite aussi par cette initiative inciter les femmes martiniquaises à exercer ce nouveau droit et à aller voter le 20 avril 1945. Sa demande aboutira en 1946.
Après la guerre, à la demande de Ralph BUNCHE 1er afro-américain Prix Nobel de la Paix, ami de Martin Luther King, elle part à New York pour travailler au Secrétariat de I’ONU. Durant 18 mois, elle officie en qualité de déléguée à la section des territoires autonomes mais son handicap la contraint à revenir plus tôt en Martinique.
De retour à la Martinique, elle y fonde avec sa sœur Alice (mère de la cantatrice Christiane Eda-Pierre), la chorale de la J.E.C. (Jeunesse Étudiante Chrétienne) qui deviendra par la suite la « Chorale Joie de chanter ». Elles lancent aussi le concours de la plus jolie biguine qui deviendra plus tard le « Concours de la Chanson Créole ».
Ses convictions politiques dérangeant, un inconnu jette une torche enflammée à travers une fenêtre de sa maison en 1956. Peu après, sa famille la convainc de cesser son activité politique, de crainte pour sa vie. Elle rédige alors un manifeste sur la musique traditionnelle martiniquaise. Elle estime que le Bèlè et ses variantes qui sont délaissées doivent retrouver leurs places dans la musique antillaise.
Elle est faite Officier des Palmes Académiques et Chevalier de la Légion d’Honneur alors que Léopold Sédar SENGHOR lui décerne le titre de Commandeur de l’Ordre National de la République du Sénégal.
Paulette NARDAL meurt le 16 février 1985, à l’âge de 89 ans.
Cette femme de lettres et militante politique, pionnière de la cause noire, restera celle qui répétait inlassablement à ses amis et ses élèves sa fierté d’être noire : « Black is beautiful ».
La reconnaissance
Dans les années 1980, Aimé CÉSAIRE alors maire de Fort-de France, fait apposer le nom de Paulette NARDAL sur la place Fénelon, proche de l’ancienne maison familiale.
En 2018, la Ville de Paris décide de la création de la Promenade Jane et Paulette NARDAL dans le 14ème arrondissement. Le lieu est officiellement inauguré par la maire de Paris Anne Hidalgo en présence de Christiane Eda-Pierre, nièce de Paulette et Jane, le 31 août 2019.
En 2019, la ville de Clamart vote le choix de son nom pour une future voie de la ville, situé sur l’ancienne rue Hébert, lieu des salons littéraires.
Sources
- « Paulette Nardal, la fierté d’être négresse » – 2004 – TV5
- Un livre publié en décembre 2018 par Philippe GROLLEMUND
- Fiertés de Femme Noire
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