Written by Chantal CHARLES-ALFRED

Chantal Charles-Alfred, est originaire du Morne-Rouge en Martinique. Depuis sa plus tendre enfance, elle a été baignée lors des rencontres familiales par des anecdotes diverses sur les différents membres de la famille. Sa passion pour la généalogie est un héritage de son grand-père qui connut une vie remplie d’histoire et d’anecdotes.

20 février 2021

GUY TIROLIEN
(1917 – 1988)

 

Son enfance

Bien qu’il soit né à Pointe-à-Pitre un 13 février de l’année 1917, le berceau de naissance de Guy TIROLIEN reste Marie-Galante.

Guy est le fils unique de Furcie TIROLIEN et de Alméda Léontine COLONNEAUX, originaires de Grand-Bourg.

Son père franc-maçon est directeur d’école. Il sera pendant près de 40 ans maire de Grand-Bourg. Sa mère, Léontine, est femme au foyer.

Ses grands-parents Richou TIROLIEN et Cécilia TURLEPIN étaient agriculteurs à Marie-Galante.

Guy Tirolien passa donc ses premières années en leur compagnie, à “Sophie” la propriété familiale.

Alors qu’il est âgé de 8 ans, la famille de Guy revient à Marie-Galante, lorsque son père devient Conseiller Général, puis Député de Grand-Bourg.

Il poursuit sa scolarité à Pointe-à-Pitre, au Lycée Carnot, avec ses camarades Guy Ffrench et Albert Béville (alias Paul Niger).

En 1936, Il part à Paris afin d’y préparer le concours d’entrée à l’École Nationale de la France d’Outre-mer au Lycée Louis-le-Grand dont il sortira diplômé après la Deuxième guerre mondiale.

De ses années de Quartier latin, Guy Tirolien s’était lié d’amitié avec les africains et les noirs de la diaspora, fréquentant le bal nègre de la rue Blomet, le jockey club, discutant avec les étudiants et intellectuels de l’époque. Certains deviendront plus tard ministre ou président de leurs pays, d’autres deviendront des figures emblématiques du mouvement littéraire afro-américain.

C’est à cette période qu’il fait la connaissance du guyanais  Léon-Gontran Damas qui comme lui, était un grand amateur de jazz et de bals nègres.

En 1940, il rencontre Léopold Sédar Senghor dans un stalag, où ils sont détenus par les Allemands.

Libéré en 1942 pour raison de santé, il revient à Paris sous l’occupation allemande, et obtient son diplôme de l’Ecole Coloniale.

Guy travaille durant quelques temps au ministère de l’agriculture avant de gagner l’Afrique en 1944, en compagnie de son ami Albert Béville

Aux côtés de Léopold Sédar Senghor, d’Aimé Césaire et de Léon Gontran Damas, il s’engage activement dans le combat de la Négritude quand ceux-ci fondèrent ce mouvement littéraire et participera au lancement de la revue « Présence Africaine » publiée simultanément à Paris et à Dakar en 1947.

Son parcours

De 1944 à 1960, il devient administrateur de la France d’Outre-Mer en Afrique.

Affecté d’abord en Guinée, à Conakry, puis à Dukréka, Il participe activement au Rassemblement Démocratique Africain aux côtés de Sékou Touré et de  Madéira Keita. Ces activités subversives lui vaudront d’être affecté, à titre punitif, en 1948 au Niger jusqu’en 1951 puis au Mali de 1951 à 1954, principaux pays d’exil des fonctionnaires coloniaux.

En 1955, il épouse Thérèse Francfort qui lui donnera 3 enfants.

De 1955 à 1960, il occupa divers postes en Côte d’Ivoire. De 1961 à 1965, il fut Commissaire Général à l’information et Secrétaire Général du gouvernement du Niger et de 1965 à 1970, Représentant Résident des Nations Unies auprès du gouvernement malien

Parallèlement, Guy Tirolien entame une carrière littéraire, fortement imprégnée de ses luttes passées, de ses expériences vécues, de son amour pour la Guadeloupe et de son âme tournée vers l’Afrique.

En 1961, il publie son 1er recueil de poèmes, « Balles d’or », paru aux éditions Présence Africaine à Paris qu’il a contribué à fonder. On retient notamment le célèbre poème « Prière d’un petit enfant nègre« , tiré de cette œuvre illustre. C’est une poésie qui relate l’histoire d’un enfant nègre qui ne veut plus aller à l’école des blancs..

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Guy Tirolien devient ainsi l’un des plus grands poètes français. À travers ses œuvres, il mène une lutte contre les injustices. Il proclame notamment le droit à la différence, à l’émancipation ou encore à la diversité des cultures.

De 1970 à 1973, date de sa retraite à Paris, il remplit les mêmes fonctions auprès du gouvernement gabonais.

De 1975 à 1976, il est élu Conseiller culturel du deuxième Festival Mondial des Arts Nègres à Lagos au Nigéria, aux côtés d’Alioune Diop, mais rebuté par les difficultés suscitées par le gouvernement nigérian, il regagnera Paris après 8 mois de séjour seulement, 4 mois avant le début de la manifestation

En 1977, il publie «Feuilles vivantes au matin », un recueil de poèmes et de nouvelles.

Retour au pays natal

En juillet 1977, il rentre à Marie-Galante où il entame une carrière politique avec le GRA (Groupe de Réflexion et d’Action). Ce groupe milite pour la décolonisation de la Guadeloupe. Il livre sans succès, une bataille électorale lors des législatives de mars 1978. Ses activités seront vite interrompues dès 1979 par le début d’une longue maladie (le diabète).

Il avait la volonté affirmée de donner au peuple guadeloupéen « un pouvoir de décision en négociant, par les voies démocratiques, les moyens qui lui permettront d’avoir prise directe sur ses propres affaires ».

Guy Tirolien décède le 3 aout 1988 à Grand-Bourg Marie-Galante.

Léon Damas publiera le premier des poèmes de Guy Tirolien dans son « Anthologie des Poètes d’expression française » en 1947, dont « la Prière d’un petit enfant nègre ». Le poème sera réédité l’année suivante par Senghor dans son « Anthologie des Poètes Nègres et Malgaches » en 1948.

Guy Tirolien reste l’un des plus grands poètes français

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Prière d’un petit enfant nègre

Seigneur, je suis très fatigué
Je suis né fatigué.
Et j’ai beaucoup marché depuis le chant du coq
Et le morne est bien haut qui mène à leur école.
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,
Faites, je vous en prie, que je n’y aille plus !
Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches
Quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois
Où glissent les esprits que l’aube vient chasser.
Je veux aller pieds nus par les rouges sentiers
Que cuisent les flammes de midi,
Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers,
Je veux me réveiller
Lorsque là-bas mugit la sirène des blancs
Et que l’Usine
Sur l’océan des cannes
Comme un bateau ancrée
Vomit dans la campagne son équipage nègre…
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,
Faites, je vous en prie, que je n’y aille plus.
Ils racontent qu’il faut qu’un petit nègre y aille
Pour qu’il devienne pareil
Aux messieurs de la ville
Aux messieurs comme il faut.
Mais moi je ne veux pas
Devenir comme ils disent,
Un monsieur de la ville,
Un monsieur comme il faut.
Je préfère flâner le long des sucreries
Où sont les sacs repus
Que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune.
Je préfère, vers l’heure où la lune amoureuse
Parle bas à l’oreille des cocotiers penchés,
Écouter ce que dit dans la nuit.
La voix cassée d’un vieux qui raconte en fumant
Les histoires de Zamba et de compère Lapin,
Et bien d’autres choses encore
Qui ne sont pas dans les livres.
Les nègres, vous le savez, n’ont que trop travaillé.
Pourquoi faut-il, de plus, apprendre dans des livres
Qui nous parlent de choses qui ne sont pas d’ici ?
Et puis elle est vraiment trop triste, leur école,
Triste comme
Ces messieurs de la ville,
Ces messieurs comme il faut
Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune,
Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds,
Qui ne savent plus conter les contes aux veillées.
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école !

     
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Sources

http://www.portail-guadeloupe.com/guy-tirolien-poete.html

http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/tirolien.html

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