EUGENE MONA
(1943 – 1991)
L’homme aux pieds nus
La plupart des hommes naissent, grandissent et disparaissent sans laisser la moindre trace, partant comme ils sont venus, nus.
Figure emblématique de la culture martiniquaise, Eugène Mona fait partie de ces hommes qui ont marqué les esprits de tous et cela continue encore aujourd’hui.
Georges Vélus NILECAM est né le 13 juillet 1943 au Vauclin en Martinique. Fils de Solange DEMAR et d’Anita MALFLEURY, il sera reconnu par son beau-père qui lui donnera son nom NILECAM.
Très tôt il apprend la musique avec son beau-père lui-même accordéoniste, tout en s’initiant au chant et à la danse.
Déscolarisé, il entre en apprentissage en tant qu’ébéniste au Marigot.
A l’instar de Malcom X Eugène MONA réfute le nom qui lui a été attribué à sa naissance en l’occurrence Georges NILECAM. Il ne voulait pas d’un nom qui lui soit imposé.
Pendant son apprentissage en tant qu’ébéniste, il fait la connaissance d’une femme qui avait des enfants avec un monsieur Mona au quartier Plate-Forme au Marigot.
Dans la commune, cette aventure se sut et des amis pour l’embêter commencèrent à le surnommer Mona. Un nom qu’il mit à profit pour la postérité.
Puis il découvre la flûte des mornes aux côtés Max CILLA Maître de la flûte traditionnelle, surnommé « Père de la Flûte des Mornes ».
En 1968, MONA est âgé de 15 ans, lorsqu’il se fait remarquer en remportant un concours de chant créole. Ça sera le début d’une longue carrière, tournée vers la musique traditionnelle.
En 1973, son premier album BWA BRILÉ, rencontre un grand succès auprès des médias et du public.
Dans ses titre Mona incite les martiniquais à reprendre possession de leur identité créole.
Il redonne ses lettres de noblesses au tanbou bèlè et à la flûte en bambou.
La musique Mona est un voyage, un chant qui renferme un puissant contenu littéraire créole, une association de chacha, tanbou bèlè, tanboudibas, tibwa…
Artiste phare de la musique antillaise, il reçoit les éloges d’écrivains tels que Patrick Chamoiseau, Edouard Glissant encore Raphael Confiant.
Il a aussi le soutien d’Aimé Césaire qui apprécie ses titres. Entre les 2 hommes naitra une profonde amitié.
En 1983, on retrouve MONA en tant que comédien et compositeur, dans le film d’Euzhan Palcy « la rue Cases Nègres ».
Homme de foi et de conviction Eugène MONA exprimait tout son ressenti souvent dans ses chansons abordant des sujets politiques, liées aux problématiques du pays ou encore des chants spirituels.
Par exemple, dans la chanson « Mi lago » Mona raconte la dispute électorale entre Alfred Marie-Jeanne et Rodolphe Désiré lors des sénatoriales de 1977.
Incompris, il passe parfois pour un illuminé mais il en a conscience lorsqu’il affirme que le public l’apprécierait à sa mort. C’était un visionnaire !
MONA est très proche de la nature et de ses éléments. C ‘est là qu’il puise son inspiration.
Afin de mieux ressentir les énergies de la Terre, il marche souvent sans chaussures d’où son surnom de l’homme aux pieds nus ! On le surnomme aussi « le Nègre debout » ou « Poto mitan ».
Sur scène c’est un vrai phénomène, avec une réelle présence. Plusieurs jours avant chaque spectacle, Mona se préparait physiquement en faisait du sport avec ses musiciens. Fervent catholique, spirituel, Mona priait beaucoup.
Avec son ami musicien, Pierre-louis MICHALON, Il allait souvent dans la montagne pour méditer.
Très attiré par la théologie et la philosophie, l’homme qui avait commencé très tard l’apprentissage de la lecture, est devenu un homme instruit. Cette connaissance transparait au travers des textes de ses chansons.
Son succès va en grandissant et il s’établit au fil des années auprès d’un public diversifié qui reconnait en lui le digne successeur de tous les piliers de la musique traditionnelle martiniquaise tels que Ti-Émile, Vava, Didi auprès desquels il a beaucoup appris.
Entre 1976 et 1984, Mona sortira 5 albums sous le nom de MONA avec des titres emblématiques tels que « ma maman m’a dit » , « Energie vibration positive » , « Ti Milo, « oui je finirai » « pafè lank fo» « face à face » « mango a ve » « mi moin mi ou » « la chandelle » « tant pis pour moi » , « bégui bégui bang » .
Malgré la ferveur d’un public rallié à sa cause, au début des années 1980 Mona se sent rejeté avec l’avènement du zouk.
Après un album reggae auto-produit qui n’aura pas le succès escompté, il décide de se retirer de la scène.
Il reviendra 9 ans plus tard mais ça sera juste avant son décès. C’est à ce moment que sa carrière connaitra son apogée, lui qui se débattait souvent avec les problèmes financiers.
Son décès
Samedi 21 septembre 1991, Eugène MONA meurt terrassé par une congestion cérébrale, suite à une dispute avec un voisin
le chanteur au pieds nus conduisant une amie à l’hôpital de Fort de France, traversa le terrain d’un voisin qui le prit très mal.
S’ensuit une vive altercation entre les deux hommes qui causa son décès.
En apprenant la nouvelle, la Martinique est stupéfaite et pleure Eugène MONA comme un héros perdu.
Ses obsèques bloquent la Martinique du Marigot au Vauclin en passant par Fort-de-France durant plusieurs heures.
Un cortège de tambours et de flûtes accompagne la procession.
Dans des veillées mortuaires, le pays entier pleure son nègre authentique disparu, avec son dernier refrain en tête : « Lé moniman yo ké ritapé yo, lé èstati yo ké déplasé yo, An tjè félé pa fasil pou djéri, mé sa ki sav sav, sa ki pa sav pa sav… »
La reconnaissance
Le 25 février 2019 une place Eugène Mona est inaugurée à Sainte Marie
Le 7 juin 2013, le collège du quartier la Marie dans la commune du Marigot en Martinique a été officiellement inauguré collège Eugène Mona.
En 1992, Aimé Césaire inaugure une « avenue Eugène Mona » au Morne calebasse, un quartier de Fort-de-France.
Fin 2006, un album hommage de reprises des titres d’Eugène Mona, intitulé: « LÉRITAJ MONA » fut édité.
On y retrouve de nombreux artistes tels que Jean-Michel Rotin, François Ladrezeau du groupe Akiyo, Olivier Jean-Alphonse, Max Télèphe, Pipo Gertrude, Cindy Faustin, Dominique Lorte, Claudine Pennont, Adeline Crouard, Harry Saint-Aimé ou encore Marcé.
Plusieurs concerts sont organisés par ce collectif d’artistes.
Fin 2011, sort le volume 2 de l’album Léritaj Mona.
Là encore de nombreux artistes tels que Max Télèphe, E.sy Kenenga, Dominik Coco, Olivier Jean-Alphonse Victor O, Jean-Michel Rotin, Admiral T, Marcé, Dédé Saint-Prix, Saêl, Robert Mavouza, Kolo Barts, Max Mona…participent à cet album.
La relève
L’histoire et le travail d’Eugène se perpétue au travers de son fils Max qui non compter sur une ressemblance édifiante avec son père fait perdurer avec brio l’esprit Mona. Il faut souligner que Mona nomma son fils ainsi en référence à sa forte amitié avec Max Cilla. Digne héritier de son père, Max n’en garde pas moins sa propre personnalité.
Discographie
- 1990 Blan manjé (prix SACEM)
- 1986 Témoignage
- 1985 Tanbou seryé
- 1984 Pa fè lang fo
- 1981 Ma maman m’a dit
- 1980 Ti malo/Mi mwen mi ou
- 1978 Mi bach/Doudou Ménard
- 1976 Ti bouchon
- 1973 Bwa brilé
sources
http://www.lameca.org/publications-numeriques/dossiers-et-articles/eugene-mona-musicien-creole-des-annees-1980/
EUGÈNE MONA…souvenirs d’un artiste singulier, en 42minutes40.
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