VIEUX FORT
Mémoire d’un bastion
Les origines
Situé à la pointe méridionale de la Guadeloupe, Vieux-Fort occupe depuis toujours une position stratégique. Bien avant l’arrivée des Européens, la région était habitée par les Amérindiens, qui y pratiquaient la pêche et cultivaient le manioc dans de vastes jardins à vivres.
Le 29 juin 1635, Charles Liénart de l’Olive et Jean du Plessis débarquent avec 550 hommes et quatre missionnaires dominicains, dont le Père Raymond Breton. Tandis que de l’Olive reste à la Pointe Allègre, du Plessis explore le sud de l’île et choisit de s’installer sur l’actuel site de Vieux-Fort, au secteur de Mazarin.
Un fortin en bois, baptisé Fort Royal en l’honneur de Louis XIII, y est édifié vers l’anse Dupuy. Il devient plus tard Vieux-Fort, après la construction en 1650 d’un nouveau fort au Galion par Charles Houël
Conflits et résistances
Très vite, les relations avec les populations caraïbes tournent au drame. Charles de l’Olive ordonne leur extermination, mais les Amérindiens, loin d’être vaincus, mènent une guérilla qui plonge les colons dans la famine et la maladie. De l’Olive, malade et paralysé, finira ses jours sous surveillance à Saint-Christophe.
La guerre ne s’achèvera qu’en 1660 par la signature d’un traité au Fort de Basse-Terre, concédant aux Caraïbes des terres peu fertiles. Dès lors, Vieux-Fort devient un poste avancé de défense contre les incursions étrangères.
Le 18 mars 1703, les Anglais de Christopher Codrington débarquent à l’Anse Dupuy. Malgré la résistance courageuse des habitants, le fort est détruit. Après plus d’un demi-siècle de rivalités franco-anglaises, le Traité de Paris (1763) rétablit la paix et confirme la souveraineté française.
De paroisse à commun
Comme ailleurs en Guadeloupe, le décret du 20 septembre 1837 érige Vieux-Fort en commune.
Son premier maire est le commandant Bruno Mercier. L’économie locale, d’abord tournée vers la petite agriculture, évolue vers de grandes exploitations grâce à l’importation massive d’esclaves. Mais l’abolition de 1848, conjuguée aux cyclones et à la concurrence internationale (café du Brésil, sucre de betterave), entraîne un déclin économique.
Patrimoine et mémoire
Vieux-Fort conserve un patrimoine unique. Son église Saint-Albert, reconstruite en 1830, possède le plus ancien clocher de Guadeloupe, séparé de l’édifice. Le littoral garde aussi les traces de son passé militaire : poudrière, batteries du XIXᵉ siècle, canons Nevers de 1843, et vestiges du poste de défense dominant le phare.
Le phare de Vieux-Fort, construit entre 1953 et 1955, marque l’entrée de la rade de Basse-Terre. Il aurait été motivé par le naufrage d’un voilier en 1947, rappelant la dangerosité du Canal des Saintes.
Mémoire des habitants
La commune rend hommage à ses fils morts pour la France à travers son Monument aux Morts. Elle s’est illustrée par l’engagement de figures locales comme Auguste Feler, maire de 1965 à 1989, ou encore Rolland Plantier, élu en 2014.
Savoir-faire et modernité
Si le café fit autrefois la richesse du bourg, Vieux-Fort est aujourd’hui renommé pour ses brodeuses, dont le savoir-faire s’exprime dans un atelier installé dans les ruines du vieux fort. Cette tradition, transmise de génération en génération, assure un rayonnement culturel unique.
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