Michel JOSEPHINE
(1925–2025)
Cent ans de passion, de transmission et d’amour pour Marie-Galante
Michel Joséphine s’est éteint à Grand Bourg de Marie-Galante, ce lundi 1er septembre 2025, à l’âge de 100 ans. Radiotélégraphiste de la Marine nationale après la Seconde Guerre mondiale, passionné d’aviation, historien autodidacte, il a traversé le siècle en gardien des souvenirs et des valeurs de son île natale Marie-Galante.
Une enfance modeste et fondatrice à Grand Bourg
Michel Joséphine naît le 29 mars 1925 à Grand Bourg de Marie-Galante, dans une famille modeste mais profondément ancrée dans les valeurs du travail, de la solidarité et de la transmission.
Son père est cordonnier, un métier manuel et rigoureux qui le place dès son plus jeune âge au contact du monde artisanal.
Dès l’enfance, Michel montre un attrait pour les outils, les objets techniques, les mécanismes. Fasciné par les rares véhicules et surtout par les bateaux qui accostent au port, il rêve de voyages, d’écoute et de communication.
À cette époque, la radio est une révolution. Le petit Michel s’initie aux ondes, capte les émissions lointaines, et développe une oreille attentive, quasi musicale, qui le guidera plus tard vers la radiotélégraphie.
Il fréquente l’école communale de Grand Bourg, où il se distingue par sa discipline, son goût de l’ordre, mais aussi sa curiosité pour l’histoire et la géographie. Il aime interroger les anciens sur les événements passés, et commence à noter dans de petits carnets les histoires de son île. Un geste presque anodin, qui marque le début d’un engagement mémoriel de toute une vie.
Dans le contexte colonial des années 1930-40, alors que l’Europe s’embrase, le jeune Michel est déjà habité par un sentiment de devoir. Il veut être utile, transmettre, et défendre la dignité des siens.
La guerre ne tardera pas à lui offrir ce terrain.
Radiotélégraphiste de la Marine nationale
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Michel Joséphine s’engage dans la Marine nationale française, où il est formé comme radiotélégraphiste.
Dans ce rôle clé, il assure la transmission d’informations stratégiques, dans un contexte où la radio est le lien vital entre les navires, les bases et les commandements.
Il y apprend la discipline militaire, la précision du message, la rigueur des horaires, et surtout le sens du devoir collectif.
Homme de l’air et pionnier de l’aérien à Marie-Galante
Son goût pour l’innovation le pousse ensuite à passer le brevet de radio volant, une spécialisation dans l’aéronautique navale.
Ce diplôme lui permet d’assurer les communications à bord d’appareils volants de l’armée, un poste exigeant qui nécessite de conjuguer maîtrise technique, sens de l’orientation et parfaite connaissance des codes radio.
C’est dans ce contexte qu’il côtoie les prémices du transport aérien dans les Antilles, à une époque où chaque escale relevait de l’aventure.
Agent d’escale pour Air France et Air Guadeloupe
Après sa carrière militaire, Michel Joséphine revient à Marie-Galante et met ses compétences au service de la compagnie Air France, puis plus tard d’Air Guadeloupe.
Il devient agent d’escale, responsable de la coordination des passagers, du fret et des communications au sein de l’aérodrome de Grand Bourg.
Il participe activement à la mise en service de l’aérodrome des Basses, inauguré en 1955, dont le code GBJ (Grand Bourg Joséphine) symbolise sa contribution à l’histoire aéronautique locale.
Cadre à l’usine de Grand-Anse
Parallèlement à ses fonctions aériennes, Michel Joséphine rejoint l’usine de Grand-Anse à Grand Bourg, l’une des structures économiques majeures de l’île, où il exerce des responsabilités cadres.
Il y supervise les activités de production, tout en restant attentif au sort des travailleurs, fidèle à sa vision humaniste et territoriale du développement.
Garde mémoire d’une île fière
Plus qu’un homme d’action, Michel Joséphine était un homme de mémoire.
Pendant des décennies, il collecte photos, documents, archives notariales, récits oraux, qu’il classe avec méthode et passion.
Il constitue ainsi une collection exceptionnelle sur l’histoire de Marie-Galante, incluant des anecdotes, des lignées familiales, des repères historiques précieux.
Conformément à ses dernières volontés, cette collection privée, riche de dizaines d’années de travail silencieux, sera numérisée et mise prochainement à disposition du public, par sa fille Corinne Joséphine, afin perpétuer sa mission de transmission.
Un testament moral et politique
En 2007, il publie, avec Robert Fontès et Alain Rutil, l’ouvrage « Michel Joséphine, une passion… Marie-Galante » aux éditions Jasor.
L’auteur y livre une réflexion lucide et émouvante sur l’avenir de l’île, et sur les responsabilités de chacun :
« Pour le salut de cette île qui nous a tant donné, pour que Marie-Galante reparte, ayons des femmes et des hommes désintéressés, riches d’imagination, dignes, comme l’ont été nos ancêtres. […] Je crois avoir fait ma part. Je souhaiterais que chacun fasse celle qu’il estime juste, bénéfique, selon ses capacités et ses talents. »
Un hommage bien mérité
Le 29 août 2025, deux jours avant son décès, la commune de Grand Bourg rend un hommage solennel au grand homme, en attribuant son nom à une rue.
Un acte symbolique pour saluer un centenaire engagé, discret mais infatigable, qui aura contribué à faire de Marie-Galante non seulement son île, mais sa cause.
Puis, le 1er septembre 2025, comme s’il attendait la fin de la cérémonie, Michel Joséphine s’est éteint, à 100 ans, dans sa maison.
Il sera inhumé sur son île en fin de semaine, selon la volonté de ses proches.
Sources
Interview de Charles Jackotin
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