Written by Chantal CHARLES-ALFRED

Chantal Charles-Alfred, est originaire du Morne-Rouge en Martinique. Depuis sa plus tendre enfance, elle a été baignée lors des rencontres familiales par des anecdotes diverses sur les différents membres de la famille. Sa passion pour la généalogie est un héritage de son grand-père qui connut une vie remplie d’histoire et d’anecdotes.

12 octobre 2025

Les Sœurs Nardal 

Pionnières oubliées de la Négritude

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Quand on évoque la Négritude, trois noms viennent spontanément : Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas.

Pourtant, derrière ces figures hommes, un groupement de femmes a jeté les bases de la conscience noire francophone parmi elles, les sœurs Nardal

Autour de Paulette et Jeanne Nardal, deux intellectuelles martiniquaises visionnaires, se sont croisés Langston Hughes, Alain Locke, René Maran ou encore le jeune Léopold Sédar Senghor. Ce cercle féminin, discret mais fondamental, a donné naissance à l’une des plus puissantes consciences noires du XXᵉ siècle.

Un héritage familial d’excellence

Nées au François, en Martinique, les sept sœurs Nardal, Paulette, Émilie, Alice, Jeanne, Lucy, Cécile et Andrée,  grandissent dans un foyer où la culture et la discipline se mêlent à l’ambition.

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Leur père, Paul Nardal, fut le premier ingénieur noir des Travaux publics de la Martinique, tandis que leur mère, Louise Achille, enseignante et musicienne, cofondatrice de la Société Saint-Louis-des-Dames, militait déjà pour l’émancipation des femmes.

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De cette union naît une famille d’intellectuelles accomplies, qui ouvriront leur maison aux penseurs, artistes et musiciens antillais et africains de passage à Paris. Ces échanges préfigurent ce que l’on appellera plus tard la renaissance culturelle noire.

Paulette, née en 1896, était l’aînée du groupe, suivie notamment par Jane (Jeanne) Nardal, née en 1902, et Andrée Nardal, née en 1910.

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Le salon de Clamart : berceau d’un mouvement

Dans les années 1920, Paulette Nardal s’installe à Paris pour étudier la littérature anglaise à la SorbonneJane la rejoint quelques années plus tard pour étudier la littérature classique.

Elles sont parmi les premières femmes noires à être admise et à étudier dans cet établissement prestigieux, dans un contexte où le racisme et le sexisme restent des obstacles sérieux

Les deux jeunes femmes intellectuelles découvrent alors le foisonnement des cercles littéraires, des salons, des périodiques de la diaspora noire. Elles tissent des liens transatlantiques, avec des intellectuels afro-américains comme Langston Hughes, mais aussi des Antillais, Africains, et des personnalités du monde colonial.

C’est dans leur appartement situé à Clamart (7 rue Hébert) que Paulette, Jane et leurs sœurs ouvrent un salon littéraire dominical qui devient un des lieux de convergence de l’intelligentsia noire francophone du Paris des années 1920–1930.

On y discute en français et en anglais, on partage des poèmes, des essais, on échange sur les conditions coloniales, on confronte les expériences caribéennes et africaines, mais aussi les réflexions de Harlem.

Ce salon littéraire de Clamart devient rapidement un lieu d’ébullition intellectuelle. Les sœurs Nardal assurent la passerelle entre ces deux mondes, traduisant, commentant et diffusant les idées venues des États-Unis.

C’est là que Paulette, souvent décrite comme médiatrice entre les mondes anglophone et francophone, joue un rôle de passeuse, introduisant des textes de la Harlem Renaissance (Langston HughesClaude McKay) ou encore René Maran, à ses interlocuteurs francophones.

On y retrouve aussi mais aussi les textes des sœurs elles-mêmes. Paulette y défend la dignité noire, Jeanne célèbre l’Afrique et Andrée met en valeur la biguine créole, symbole d’une culture métissée à préserver.

La Revue du Monde Noir

En 1931, Paulette, Jeanne et Andrée fondent La Revue du Monde Noir, revue bilingue (français-anglais) qui promeut la solidarité entre les peuples noirs dispersés dans le monde.

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On y retrouve des signatures prestigieuses : Langston HughesClaude McKayRené Maran, mais aussi les textes des sœurs elles-mêmes. Paulette y défend la dignité noire, Jeanne célèbre l’Afrique et Andrée met en valeur la biguine créole, symbole d’une culture métissée à préserver.

Leur avant-propos annonce clairement l’esprit pan-africain :

« Les deux cents millions d’individus qui constituent la race noire, même dispersés à travers les nations, formeront une grande fraternité, annonciatrice d’une démocratie universelle. »

Deux sœurs, deux visions

Si Paulette et Jeanne partagent la même ferveur intellectuelle, elles diffèrent dans leur rapport à la France.

Paulette, profondément républicaine, croit en une assimilation égalitaire : être française et noire, pour elle, n’est pas une contradiction. Elle rend hommage aux héros de la liberté antillaise, tels Toussaint Louverture, comme preuves de la grandeur noire au sein de la République.

Jeanne, plus panafricaine, défend une identité noire affranchie de l’héritage colonial. Admiratrice de la culture afro-américaine, elle rêve d’une solidarité mondiale des peuples noirs, qu’elle appelle dans ses écrits « l’internationalisme noir ».

Mais l’aventure sera brève. La revue cessera au bout de six numéros, faute de financements stables et surtout sous le poids de pressions implicites.

Malgré sa faible longévité, ces publications joueront un rôle fondamental, posant les fondations de ce que deviendra la Négritude, la fierté noire, la revalorisation de l’Afrique, le refus du mépris colonial.

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Une influence directe sur la Négritude

Leurs idées et leurs échanges influencent directement Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas, qui reconnaîtront leur dette à l’égard des sœurs Nardal.

En tissant des passerelles entre les Antilles, l’Afrique et les États-Unis, elles proposent un espace de publication pour des voix bien trop souvent marginalisées.

Par leur revue, leurs conférences et leurs correspondances, les sœurs ont permis à la pensée noire de franchir les océans.

C’est dans leur sillage que Senghor créera plus tard Présence Africaine, revue héritière de leur œuvre.

Entre féminisme, foi et militantisme

De retour en Martinique, Paulette Nardal ne cesse de s’engager. Profondément croyante, elle fonde le Rassemblement Féminin, qui mobilise les femmes martiniquaises dès 1945, après l’obtention du droit de vote.

Son influence dépasse les frontières de la Martinique. Elle devient Commandeur de la République du Sénégal sur décision de Léopold Sédar Senghor, et reçoit la Légion d’Honneur.

Des femmes avant-gardistes et effacées

Malgré leur rôle fondateur, les sœurs Nardal furent longtemps oubliées des récits officiels.

Paulette elle-même déplorait que « l’histoire de la race noire et de ses héros soit absente des programmes scolaires des Antilles ».

Une mémoire restaurée

Longtemps éclipsées par les figures masculines de la Négritude, les sœurs Nardal revivent aujourd’hui dans la mémoire collective.

leur rôle fondateur, les sœurs Nardal furent longtemps oubliées des récits officiels.

Paulette elle-même déplorait que « l’histoire de la race noire et de ses héros soit absente des programmes scolaires des Antilles ».

Pourtant, leur action a semé les graines du pan-africanisme moderne, inspirant des générations d’intellectuels et de militants, de Frantz Fanon à Maryse Condé.

Une mémoire restaurée

Longtemps éclipsées par les figures masculines de la Négritude, les sœurs Nardal revivent aujourd’hui dans la mémoire collective.

En 2020, la Ville de Paris inaugure la Promenade Jane-et-Paulette-Nardal dans le 14ᵉ arrondissement.

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En 2024, une statue dorée de Paulette Nardal est érigée rue de la Chapelle à Paris, dans le cadre du legs culturel des Jeux Olympiques.

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Le documentaire « Les Sœurs Nardal, les oubliées de la Négritude » et le livre de Léa Mormin-Chauvac leur redonnent une visibilité essentielle. 

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Ces hommages ne sont pas de simples symboles : ils marquent la reconnaissance tardive mais légitime de leur contribution à la pensée noire, à la culture caribéenne et à l’histoire universelle des femmes. leur redonnent une visibilité essentielle.

Les sœurs Nardal incarnent la naissance d’une conscience noire mondiale, située à la croisée de l’histoire, de la littérature et du militantisme.

Elles ont donné une voix à ceux qu’on n’écoutait pas, ouvert des espaces où la couleur devenait conscience et la différence, une fierté.

Aujourd’hui, leur héritage longtemps éclipsé dépasse la Martinique et resplendit comme un phare dans la mémoire du monde noir.

“La reconnaissance n’est pas seulement un hommage, c’est un devoir de mémoire ».

Sources

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