Doc Henry JOSEPH
L’alchimiste des plantes créoles
(1955)
Visionnaire, chercheur et bâtisseur de l’économie du vivant, le Dr Henry Joseph a hissé la Guadeloupe au rang de terre d’innovation scientifique.
Pharmacien de formation, docteur en pharmacognosie et fondateur du laboratoire Phytobôkaz, il a fait de la biodiversité tropicale son champ d’étude et de transmission.
De la reconnaissance des 48 plantes médicinales ultramarines dans la pharmacopée française à ses brevets mondiaux sur l’herbe à pic, le galba ou encore le pain sans gluten, Henry Joseph incarne la jonction entre savoir ancestral et science moderne.
Sa trajectoire, saluée par les institutions, la communauté scientifique et le grand public, symbolise la réconciliation entre la mémoire créole et la recherche contemporaine.
En lui, l’or vert des Antilles a trouvé son ambassadeur le plus éclairé.
Les racines d’un savant créole
Né en mai 1955 à Sainte-Rose, au cœur d’une Guadeloupe encore profondément rurale, Henry Joseph est élevé dans une famille attachée aux valeurs de transmission, où les remèdes naturels et la connaissance des « zèb a rimèd » (plantes médicinales en créole) faisaient partie du quotidien.
Sa famille vit en autosuffisance, ignames, bananes, café, agrumes, christophines… tout pousse autour de la maison.De cette enfance immergée dans la nature naît une fascination pour le monde végétal.
Sa mère et sa grand-mère, comme beaucoup de femmes créoles de l’époque, connaissaient les bienfaits des décoctions de feuilles, d’écorces ou de racines pour soulager les maux de tous les jours.
Loin des pharmacies modernes, la forêt, les jardins créoles et les marchés étaient pour lui les premiers laboratoires. Très tôt, il apprend à reconnaître, cueillir, faire bouillir et doser les plantes — un apprentissage empirique, vivant, enraciné dans la culture caribéenne.
Encore enfant, il contracte une bilharziose, une maladie parasitaire. Un bain à base de « zèb a pik » (Neurolaena lobata) préparé par sa mère l’en soulage.
Ce souvenir est pour lui fondateur. La plante, à la fois familière et puissante, deviendra des années plus tard l’objet de ses recherches les plus abouties, jusqu’à en faire un traitement antiviral contre le COVID-19, breveté à l’international en 2022.
Une tante, gouvernante dans une famille aisée, lui offre un jour un appareil photo , un geste anodin qui changera son destin.
L’adolescent immortalise la flore de son île, collectionne les diapositives, et les présente plus tard au botaniste Jacques Fournet, qui l’encourage à en identifier les noms scientifiques.
A l’âge de 18 ans, À dix-huit ans, il a déjà recensé plus de 1 800 espèces végétales.
“La nature a été mon premier professeur. Avant de l’étudier,
je l’ai observée, touchée, respirée.”
Des études au service de la connaissance
Après le baccalauréat, Henry Joseph quitte la Guadeloupe pour Paris et s’inscrit à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI).
Il y obtient une licence de biologie, puis un doctorat en pharmacognosie, la science qui explore les principes actifs des plantes médicinales.
Entre 1976 et 1988, Henry Joseph multiplie les diplômes :
• DEUG de biologie à l’Université des Antilles et de la Guyane,
• Doctorat en pharmacie,
• DEA de chimie et agronomie à Toulouse,
• Diplôme universitaire d’homéopathie pharmaceutique.
A l’époque, ses professeurs reconnaissent déjà en lui une rare capacité à unir science et intuition.
Son objectif est de prouver que les remèdes créoles ne relèvent pas du folklore, mais de la pharmacopée du futur.
Pharmacien libéral et chercheur de terrain
De retour en Guadeloupe, Henry Joseph exerce durant plus de 12 ans comme pharmacien d’officine à Basse-Terre, tout en poursuivant ses recherches sur les plantes médicinales locales.
Il collabore avec des botanistes, des herboristes traditionnels et des
institutions scientifiques, développant une expertise de terrain qui le distingue parmi les professionnels de santé antillais.
Les premiers pas HP Santé
En 1989, Henry Joseph s’associe à son ami d’enfance Pierre Sainte-Luce pour créer HP Santé, première entreprise caribéenne de transformation de plantes médicinales.
Ils y fabriquent gels, gommages, et compléments à base de banane verte, de goyave ou de dictame.
Mais l’époque n’est pas prête. Les pharmaciens locaux boudent les produits naturels “faits maison”.
HP Santé ferme quelques années plus tard, mais cette expérience servira de tremplin à une aventure encore plus grande qui sera Phytobôkaz.
“Nous étions trop en avance. Mais je savais qu’un jour,
nos plantes seraient reconnues à leur juste valeur.”
Phytobôkaz, l’excellence au cœur de la biodiversité caribéenne
En 2005, avec le professeur Paul Bourgeois, Henry Joseph fonde à Gourbeyre le laboratoire Phytobôkaz, contraction de “phyto” pour plantes et “bôkaz” pour la mémoire, la tradition, le terroir.
Le laboratoire qui met en valeur les plantes endémiques de la Caraïbe s’impose rapidement comme une référence de l’innovation tropicale.
Ses gammes de gels, crèmes et compléments alimentaires sont élaborées à partir de plantes locales telles que tels que le bois d’Inde, les groseilles pays, le chadwon béni, le noni, le curcuma, le zèb à pik, le bwa bandé, le gingembre …
Les formules sont certifiées, testées et respectueuses de l’environnement.
“L’innovation ne tombe jamais du ciel, c’est toujours le résultat d’une contrainte.”
En quelques années, Phytobôkaz dépasse le million d’euros de chiffre d’affaires et exporte jusqu’en Allemagne.
Mais au-delà du succès commercial, c’est la philosophie du vivant qu’incarne Henry Joseph : produire sans détruire, innover sans trahir la nature.
Ses Contributions majeures et brevets
Le Dr Henry Joseph a déposé plusieurs brevets mettant en lumière les propriétés médicinales des plantes locales
l’Huile de galba – Calophyllum calaba
En 2018, il isole la résine de cette huile tropicale et démontre ses vertus cicatrisantes et régénérantes, notamment dans le traitement des plaies des pieds diabétiques. Cette huile a été présentée lors d’un congrès médical international à Cuba, suscitant l’intérêt de la communauté scientifique
Le pain sans gluten au pois pays et dictame
En 2019, il met au point un procédé breveté de pâte boulangère naturelle, à base d’amidon de dictame et de protéine de pois, offrant une alternative sans gluten au pain traditionnel
Zèb a pik (Neurolaena lobata)
Plante emblématique des Antilles, le zèb a pik est utilisée pour traiter les infections virales à ARN, notamment la grippe, la dengue, le chikungunya et la Covid-19.
En 2004, le Dr Joseph dépose un brevet international pour un extrait de Neurolaena lobata (zèb a pik), démontrant une activité antivirale contre le SARS CoV 2, avec inhibitions d’enzymes virales et de cytokines pro inflammatoires sur ses propriétés antivirales et antiparasitaires.
En 2022, un second brevet confirme son efficacité contre les virus à ARN, notamment la grippe, la dengue, le chikungunya et la Covid-19.
L’indigo de Guadeloupe
En relançant la culture d’Indigofera suffruticosa, il redonne vie à un savoir-faire ancestral et prouve que l’indigo local atteint une pureté pigmentaire record (65 à 79 % d’indigotine).
“Nous avons le plus bel indigo du monde, et il pousse ici, sous nos yeux.”
Henry Joseph face au Covid-19
Lorsque la pandémie de Covid-19 frappe la Guadeloupe en 2020, le Dr Henry Joseph se trouve une fois encore en première ligne.
Fidèle à sa mission de valoriser les pharmacopées traditionnelles, il mobilise son laboratoire PhytoBôkaz pour rechercher, dans la flore locale, des solutions capables de renforcer l’immunité et d’accompagner les traitements médicaux classiques.
C’est ainsi qu’il élabore le protocole « PhytoCovid », une association de plantes tropicales, goyave, bois d’Inde, citronnelle, zèb a pik, gro siwo , reconnues pour leurs propriétés antivirales, anti-inflammatoires et respiratoires.
Sans jamais prétendre proposer un remède miracle, le chercheur plaide pour une approche complémentaire, raisonnée et scientifique de la phytothérapie.
Ses travaux rencontrent un fort écho populaire dans les Antilles, où les remèdes à base de plantes ont toujours occupé une place centrale dans la culture et les foyers.
Son initiative relance le débat sur la reconnaissance institutionnelle des savoirs médicinaux ultramarins, longtemps marginalisés au profit de la médecine occidentale.
L’auteur et le passeur de mémoire
Henry Joseph n’est pas seulement chercheur, il est aussi auteur et pédagogue.
Ses livres Les Secrets des plantes médicinales des Antilles, Plantes qui guérissent aux Antilles, La Pharmacopée créole, sont devenus des références.
Son écriture claire et précise rend la science accessible à tous.
Il y raconte les vertus des plantes, leurs noms créoles et leur rôle dans la résistance culturelle
“Nos ancêtres ont survécu grâce à la nature.
En connaissant les plantes, ils ont écrit leur propre médecine.”
A travers ses ouvrages, il transmet une mémoire écologique et identitaire, héritée des peuples afro descendants.
Il a également contribué à la création d’un diplôme universitaire de botanique et de phytomédicaments à l’université des Antilles, afin de former et de sensibiliser tous les professionnels de santé.
Un homme derrière le chercheur
Derrière le scientifique, il y a un humaniste qui croit profondément à la jeunesse caribéenne.
Victime d’un grave accident en 2012, il frôle la mort. Cet épisode marque un tournant, il décide de consacrer le reste de sa vie à la transmission
Il encourage les jeunes à étudier les sciences naturelles, la pharmacologie tropicale et la botanique.
Infatigable conférencier, il multiplie les interventions dans les écoles, les médias et les colloques.
Son message : “La science doit naître de nos réalités.”
En 2014, le Courrier de Guadeloupe le désigne Homme de l’année, saluant son engagement pour la biodiversité et le développement local.
Distinctions et reconnaissance
L’année 2013 marque un tournant majeur dans la carrière du Dr Henry Joseph.
Grâce à ses recherches acharnées et à sa collaboration avec des institutions nationales, 48 plantes ultramarines, dont plusieurs originaires de Guadeloupe et de Martinique, sont officiellement inscrites à la pharmacopée française.
C’est la première fois que le savoir
médicinal des Antilles est reconnu par la science française.
Cette victoire symbolise la réhabilitation d’un patrimoine longtemps marginalisé, et l’union réussie entre la tradition populaire et la recherche académique.
Ce succès national propulse Henry Joseph sur le devant de la scène scientifique et entrepreneuriale.
Il devient un modèle pour les jeunes chercheurs d’Outre-mer, prouvant qu’on peut faire de la science à partir de la biodiversité locale.
Son parcours a été salué à plusieurs reprises :
• 2014 : Elu Homme de l’année par Le Courrier de Guadeloupe
• 2016 : Lauréat du Trophée Outre-Mer Eco-Innovation
• 2018 : Citation officielle du ministère de l’Économie pour son modèle d’entreprise durable
• 2021 : Brevet DHODH reconnu par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle ( (OMPI, Genève)
• 2023 : Célébration de ses 35 ans de carrière scientifique et de dévouement à la
valorisation du vivant
“Mon rôle n’est pas d’amasser, mais de transmettre.
Si un jeune devient chercheur grâce à moi, ma mission est accomplie.”
Figure tutélaire de la biodiversité caribéenne, Henry Joseph a démontré qu’une île pouvait devenir un laboratoire d’avenir.
Par sa rigueur scientifique, il a donné une légitimité mondiale aux remèdes de nos anciens ; par son audace entrepreneuriale, il a ouvert la voie à une économie symbiotique, où la nature est enfin reconnue comme partenaire et non victime.
Son héritage dépasse la science : il touche à l’identité, la transmission et la dignité d’un peuple capable d’innover à partir de sa propre terre.
Visionnaire, humaniste et infatigable défenseur de la vie, le Dr Henry Joseph a su unir la racine et la molécule, le passé et le futur, la terre et la lumière.
Sur une échelle de performance et d’excellence, on pourrait sans exagération lui attribuer la note de 25 sur 20, tant son parcours force le respect et l’admiration.
Dans l’histoire contemporaine de la Guadeloupe, son nom restera celui d’un homme qui a donné voix à la nature et transformé l’or vert en espérance collective.
Sources
https://www.phytobokaz.fr
















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