Written by Chantal CHARLES-ALFRED

Chantal Charles-Alfred, est originaire du Morne-Rouge en Martinique. Depuis sa plus tendre enfance, elle a été baignée lors des rencontres familiales par des anecdotes diverses sur les différents membres de la famille. Sa passion pour la généalogie est un héritage de son grand-père qui connut une vie remplie d’histoire et d’anecdotes.

21 octobre 2025

DISTILLERIE BOLOGNE
le feu du volcan

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Implantée depuis le XVIIᵉ siècle sur les flancs fertiles de la Soufrière, la distillerie Bologne est un monument vivant du patrimoine guadeloupéen.

Née d’une ancienne habitation sucrière fondée par des colons hollandais protestants, elle a traversé les siècles, les catastrophes naturelles et les mutations économiques pour devenir un fleuron du rhum agricole.

Entre tradition et modernité, Bologne incarne à la fois la mémoire d’un passé colonial complexe et la vitalité d’un savoir-faire créole devenu symbole d’excellence.

Aux origines : une sucrerie au pied du volcan

L’histoire de l’habitation Bologne débute vers 1654, lorsque Pierre et Jean Bologne, deux colons hollandais d’origine protestante réfugiés du Brésil portugais, obtiennent des terres sur la côte de Basse-Terre, au pied de la Soufrière.

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Ils fondent une vaste habitation sucrière équipée d’un moulin à eau, d’une sucrerie et d’une purgerie, profitant des rivières et du sol volcanique pour bâtir un domaine florissant. Les esclaves y travaillent la canne avec des méthodes importées du Brésil et perfectionnées localement

Après l’abolition de l’esclavage en 1848, l’habitation conserve sa vocation sucrière avant de se tourner progressivement vers la distillation.

Georges de Bologne Saint-Georges, le père du Chevalier

Au XVIIIᵉ siècle, la lignée des Bologne s’enracine profondément en Guadeloupe. L’un de ses descendants, Georges de Bologne Saint-Georges, propriétaire terrien et maître de l’habitation de Bologne, marque durablement l’histoire.

Issu d’une famille de planteurs aisés, il vit entre Baillif et Basse-Terre et gère plusieurs propriétés sucrières.

C’est lui qui reconnaît son fils naturel né d’une esclave sénégalaise, Nanon, esclave affranchie et femme d’une grande beauté.

De cette union naît en 1745 Joseph de Bologne, Chevalier de Saint-Georges, futur virtuose du violon, compositeur, escrimeur hors pair et figure majeure des Lumières françaises.

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Le domaine Bologne est donc intimement lié à l’histoire du Chevalier de Saint-Georges, considéré comme le premier grand musicien noir de l’histoire européenne.

Cette filiation ajoute une dimension culturelle et symbolique forte à la mémoire du lieu : Bologne, terre de canne et berceau d’un génie.

Du sucre au rhum : la naissance d’une distillerie

Avec la crise sucrière du XIXᵉ siècle et la concurrence de la betterave métropolitaine, de nombreuses sucreries de Guadeloupe ferment leurs portes. Mais à Bologne, l’ingéniosité prend le relais. L’habitation installe ses premiers alambics à distillation continue et commence à produire une eau-de-vie de canne d’une qualité remarquable.

Le rhum de Bologne, issu du pur jus de canne, se distingue dès cette époque des rhums de mélasse produits dans d’autres colonies. Il s’agit d’un rhum agricole avant l’heure, dont la typicité s’explique par la richesse du terroir volcanique et par la proximité des champs de canne avec la mer.

A la fin du XIXᵉ siècle, la distillerie se modernise, s’équipe de chaudières à vapeur et adopte des procédés innovants. Le nom “Bologne” devient alors une marque reconnue, exportée vers la métropole et les Antilles voisines.

L’ère Louis Sargenton-Callard : l’esprit du terroir et la renaissance de Bologne

En 1932, la distillerie renaît grâce à un visionnaire Louis Sargenton-Callard.

Entrepreneur passionné et fin connaisseur du monde agricole, il rachète l’habitation Bologne et entreprend de reconstituer le domaine d’origine en acquérant les propriétés voisines de Beauvallon et de la Coulisse.

Souhaitant garantir l’indépendance de la distillerie en matière première, il achète aussi l’habitation Fromager à Capesterre, sur le versant Est de la Soufrière, afin d’assurer un approvisionnement autonome en canne à sucre.

Sous son impulsion, Bologne se spécialise dans la production de rhum agricole, élaboré à partir du pur jus de canne fraîchement pressée. Pendant près de quarante ans, Louis Sargenton-Callard met en place une politique de qualité exemplaire : respect du terroir, sélection rigoureuse des cannes et maîtrise de la distillation.

Convaincu que l’excellence d’un rhum repose avant tout sur la qualité de la canne, il veille à ce que chaque récolte soit effectuée à maturité optimale et que la coupe et le transport se fassent dans les meilleures conditions.

Cette approche exigeante fonde la réputation de Bologne : un rhum de terroir, équilibré, fidèle à la terre volcanique de Basse-Terre.

Reconstruction et modernisation

La fin du XIXᵉ siècle marque une période d’épreuves. Plusieurs cyclones, dont celui de 1891, dévastent la Guadeloupe, mais la distillerie Bologne se relève à chaque fois.

Après l’éruption de la Soufrière en 1843, puis celle de 1956, les infrastructures sont modernisées.

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C’est à cette époque que la canne bleue, variété rare et sucrée, devient la signature de la maison. Ses arômes délicats et sa richesse en sucre donneront naissance à des rhums réputés pour leur élégance et leur pureté. 

Une marque pionnière du rhum agricole

Dès les années 1930, Bologne s’impose comme un modèle du rhum agricole guadeloupéen, à contre-courant de la production industrielle de mélasse.

Son rhum, distillé à partir de jus de canne frais, développe un profil aromatique typique : floral, fruité, légèrement iodé, avec des notes d’agrumes et d’épices douces.

Dans les décennies suivantes, l’entreprise reste familiale et indépendante. Les descendants des propriétaires successifs modernisent la distillerie tout en conservant les techniques artisanales. Au fil du temps, Bologne devient un symbole d’authenticité, alliant héritage et innovation.

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La canne noire, ADN de Bologne

Dans la seconde moitié du XXᵉ siècle, Bologne se spécialise dans la culture d’une variété rare : la canne noire.

Cultivée sur les pentes volcaniques de Basse-Terre, elle offre un jus complexe, plus aromatique et plus profond.

Elle devient la signature identitaire de la maison et confère à ses rhums une personnalité unique.

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Modernisation et excellence

Sous l’impulsion de plusieurs générations, la distillerie modernise ses installations :

  • Colonnes de distillation créoles en cuivre
  • Automatisation partielle des chaînes
  • Fermentations naturelles maîtrisées
  • Vieillissement en fûts de chêne français et américain

Mais l’esprit demeure artisanal : la récolte et le tri des cannes se font toujours à la main.

Reconnaissance et cuvées d’exception

A partir des années 2000, Bologne entre dans une ère de reconnaissance internationale :

  • Black Cane, rhum blanc premium
  • VSOP et XO, rhums vieux de prestige
  • Le Distillat et Les Confidentiels, cuvées rares et primées

Ces produits remportent de nombreuses médailles d’or au Concours Général Agricole de Paris ou à l’International Rum Conference.

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La famille Vial-Collet : indépendance et transmission

Depuis le début des années 2000, la distillerie Bologne appartient à la famille Vial-Collet, une famille guadeloupéenne qui en a fait une entreprise familiale indépendante..

Sous la direction de Thierry Vial-Collet, l’entreprise conserve son indépendance, valorise la canne noire et renforce sa présence internationale.

Ancrée localement, elle s’engage dans une démarche écologique et responsable : valorisation de la bagasse, réduction des rejets, utilisation d’eau de source naturelle.

L’AOC et la reconnaissance internationale

En 1996, la Guadeloupe obtient pour ses rhums l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC Martinique) partagée avec la Martinique, puis une Indication Géographique Protégée (IGP) spécifique. Le rhum Bologne figure parmi les producteurs les plus emblématiques de ce label d’excellence.

Aujourd’hui, la distillerie, toujours située à Basse-Terre, perpétue un savoir-faire ancestral. Les cuvées haut de gamme – Black Cane, Grande Réserve, VSOP, XO – sont devenues des références mondiales du rhum agricole.

Né du feu du volcan et du travail des hommes, le rhum Bologne est avant tout le fruit d’un savoir-faire ancestral patiemment transmis.

De la canne bleue des débuts à la canne noire d’aujourd’hui, de la sucrerie des frères Bologne aux installations modernes de la famille Vial-Collet, la distillerie témoigne de plus de trois siècles d’histoire et d’excellence guadeloupéenne.

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Sur les terres fertiles de la Soufrière, le rhum agricole Bologne demeure un symbole de tradition, de qualité et de fierté locale, représentant dignement l’héritage et la passion d’un peuple.

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