Written by Chantal CHARLES-ALFRED

Chantal Charles-Alfred, est originaire du Morne-Rouge en Martinique. Depuis sa plus tendre enfance, elle a été baignée lors des rencontres familiales par des anecdotes diverses sur les différents membres de la famille. Sa passion pour la généalogie est un héritage de son grand-père qui connut une vie remplie d’histoire et d’anecdotes.

20 octobre 2025

Ali Tur

Bâtisseur visionnaire

de la Guadeloupe moderne

(1889–1977)

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Peu de figures architecturales ont autant marqué le paysage urbain d’un territoire ultramarin français qu’Ali Georges Tur en Guadeloupe.

Architecte visionnaire, il fut chargé de la reconstruction de l’île après le cyclone meurtrier de 1928. Son œuvre, à la fois fonctionnelle, moderne et adaptée au contexte local, constitue aujourd’hui un patrimoine architectural unique en Outre-mer.

Son enfance

Ali Georges Tur est né le 4 février 1889 à Tunis. 

Son père, Henri Eugène Auguste Paul TUR ingénieur et technicien au service des Travaux publics, participe à plusieurs projets d’urbanisme dans le Maghreb, tandis que sa mère, Caroline Lucie Jeanne LUCIUS, lui transmet le goût des arts et du dessin. Elle décèdera en le mettant au monde. 

Son prénom, d’inspiration arabe, lui a été donné par son père. Cette famille protestante était d’esprit très libre. Ali Tur gardera son premier prénom, de consonance arabe, pour exercer et signer ses œuvres alors qu’il aurait pu facilement choisir le prénom de Georges.

Enfant curieux et sensible à la beauté des formes, le jeune Ali grandit au milieu des influences méditerranéennes, les médinas arabes, les bâtiments coloniaux français, les jeux de lumière sur les façades blanches, les patios et les ombres des arcades.

Très tôt, il montre un talent pour le dessin technique et la géométrie. Il apprend à observer la lumière, la chaleur et la ventilation naturelle, des éléments qui influenceront toute son œuvre future.

 À 17 ans, il quitte la Tunisie pour poursuivre des études d’architecture à Paris. A son arrivée en métropole, il entre dans la prestigieuse École des Beaux-Arts, où il sera formé à l’architecture classique et monumentale dans l’atelier de Victor Laloux, un des plus influents professeurs de l’époque.

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Plaque DPLG d’Ali Tur sur l’immeuble du 20, avenue Dode-de-la-Brunerie.

Toutefois, la guerre de 1914 interrompt sa scolarité. Il  rejoint la mobilisation générale en tant que brigadier.

Après l’Armistice de 1918, il termine ses études et devient et devient architecte D.P.L.G. diplômé par le gouvernement le 17 novembre 1920. 

En 1923 Ali Tur ouvre à Paris son agence au 5, quai Voltaire et conçoit plusieurs ensembles d’habitations à bon marché (HBM) dans les 12ᵉ et 16ᵉ arrondissements.

Expert auprès du conseil de préfecture de la Seine et le ministère des Régions libérées, il dresse à ce titre des rapports d’expertise sur les zones détruites par la Grande Guerre, acquérant alors une première expérience des reconstructions après des catastrophes.

C’est à cette époque qu’il se fait remarquer par le ministère des Colonies, qui le choisit pour rejoindre la liste restreinte des dix architectes agréés.

Son prénom, d’inspiration arabe, choisi par jeu par son père, symbolise déjà cette ouverture d’esprit que l’architecte gardera toute sa vie.

Des Beaux-Arts à la rigueur du béton

Passionné de dessin et d’architecture Ali Tur regagne la France dès 1889. Élève brillant, il poursuit ses études secondaires en Alsace avant d’intégrer, en 1910, l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Victor Laloux, maître de l’architecture monumentale.

La Première Guerre mondiale interrompt sa formation ; il est mobilisé comme brigadier. Après l’Armistice, il reprend ses études et devient architecte D.P.L.G. le 17 novembre 1920.

À Paris, Ali Tur ouvre son agence au 5, quai Voltaire et conçoit plusieurs ensembles d’habitations à bon marché (HBM) dans les 12ᵉ et 16ᵉ arrondissements.

Il est expert auprès du conseil de préfecture de la Seine et le ministère des Régions libérées. Il dresse à ce titre des rapports d’expertise sur les zones détruites par la Grande Guerre, acquérant alors une première expérience des reconstructions après des catastrophes.

C’est à cette époque qu’il se fait remarquer par le ministère des Colonies, qui le choisit pour rejoindre la liste restreinte des dix architectes agréés.

Rien ne laissait encore présager que cet homme marquerait à jamais le visage de la Guadeloupe.

La Guadeloupe dévastée, un homme en mission

Le 12 septembre 1928, un cyclone nommé Okeechobee, d’une violence extrême s’abat sur la Guadeloupe faisant plus de 1 200 morts et des milliers de sinistrés.

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Le gouverneur Tellier, qu’il connaît personnellement, lui confie une mission exceptionnelle : reconstruire l’île.

Ali Tur débarque à Basse-Terre en mars 1929 avec sa Citroën 5 HP et signe un contrat de 4 ans pour la construction de différents bâtiments gouvernementaux, tribunaux, hôpitaux, mairies, écoles, presbytères, églises, marchés

Le budget global atteint 100 millions de francs. Un plan de reconstruction d’une ampleur inédite comprenant une campagne massive de construction de plus de 150 bâtiments publics (écoles, hôpitaux, mairies, églises, palais),   nécessitant la standardisation des plans, la formation d’ouvriers locaux et l’utilisation des matériaux modernes.

Pendant huit ans, Ali Tur sillonne la Guadeloupe, depuis les Grands-Fonds à Marie-Galante,

Une modernité adaptée au climat tropical

Loin de reconstruire “comme avant”, Ali Tur invente un style tropico-moderne, inspiré du mouvement moderne et du béton armé.

Ses bâtiments sont pensés pour résister aux cyclones et respirer la lumière des tropiques :

  • Utilisation massive du béton armé, pour sa solidité et sa durabilité.
  • Toitures plates ou à faible pente, avec larges débords pour créer de l’ombre.
  • Fenêtres hautes, « ventilations croisées », brise-soleils et claustras, pour assurer l’aération naturelle.
  • Esthétique épurée : formes simples, volumes géométriques, peu de décoration superflue.

Cette architecture, à la fois fonctionnelle et poétique, s’impose comme une révolution dans les Antilles françaises.

                       « Construire autrement, c’est respecter le climat,                                                                                           le peuple et la lumière.”

Mise à part la commune de Pointe-Noire, la main-d’œuvre qualifiée, charpente et menuiserie est alors pratiquement inexistante en Guadeloupe.

Les ouvriers et les entreprises feront leurs classes sur les chantiers et sous l’autorité d’Ali Tur. 

Ses grandes réalisations

Entre 1929 et 1937, Ali Tur réalise près de 150 édifices à travers l’archipel :

  • Les grandes réalisations

    À Pointe-à-Pitre

    • Hôtel de Ville (1930) : symbole de la renaissance urbaine.
    • Palais de Justice (1934) : lignes massives, façade équilibrée, toujours en service.

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  • Hôpital général (1935) : alliance de technique et d’hygiène moderne.

À Basse-Terre

  • Palais du Gouverneur (actuelle Préfecture).

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  • Palais du Conseil Général.

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  • École Normale d’Instituteurs.

Dans les communes

  • Mairies de Petit-Canal, Lamentin, Sainte-Anne, Pointe-Noire, Capesterre-Belle-Eau…
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    • Églises de Baie-Mahault, Église de Morne-à-l’Eau
    • Port-Louis, Petit-Canal.
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    • Monument aux Morts du Lamentin (1932).
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Litiges et retour en métropole

Mais ces œuvres monumentales ne se font pas sans heurts. Le député Gratien Candace, hostile à l’architecte, mène une campagne de dénigrement dans la presse locale.

En 1936, Ali Tur est accusé d’enrichissement personnel lié à certains chantiers.

Un procès est intenté, et bien que blanchi des accusations, Ali Tur quitte la Guadeloupe définitivement en 1937.

Cet épisode met un terme à sa carrière dans les colonies, mais son héritage architectural restera intact.

Les polémiques et l’exil

Suite à ses événements, il obtient finalement gain de cause dans son procès contre l’État intenté au tribunal de Basse-Terre mais, il ne sera dédommagé qu’après le conflit et avec un franc dévalué. Les années de procès et l’inflation réduisent considérablement son dédommagement.

Hostile au régime de Vichy, il est interné en 1943 puis déporté au S.T.O. dans les Sudètes, avant de s’évader en 1945.

Après-guerre et reconnaissance

En 1946, il participe à la reconstruction de Condé-sur-Noireau et reçoit en 1950 le Grand Prix d’Architecture du ministère de la France d’Outre-mer.

Avant de se retirer en 1959, il brûle ses archives — geste symbolique d’un homme discret, mais lucide sur le temps qui passe.

Il s’éteint à Paris le 26 septembre 1977, à l’âge de 88 ans.

La lente reconnaissance d’un génie

Longtemps oublié, Ali Tur retrouve aujourd’hui la place qu’il mérite.
À partir des années 2000, plusieurs de ses bâtiments sont inscrits ou classés monuments historiques, et son œuvre est étudiée dans les écoles d’architecture.

Des expositions majeures notamment « Ali Tur, architecte en Guadeloupe » organisé par les Archives départementales / CAUE  ont permis de réhabiliter son nom et de montrer combien son travail a façonné l’identité visuelle de l’archipel.

Héritage d’un pionnier

Près d’un siècle après leurs constructions, les bâtiments d’Ali Tur continuent encore aujourd’hui de façonner le paysage urbain antillais.

Son empreinte, entre Art Déco et modernité tropicale, façonne encore le paysage urbain.

En 2008, la Cité de l’Architecture et du Patrimoine lui consacre une exposition majeure :

Ali Tur, un architecte moderne en Guadeloupe.”

Son œuvre rappelle que la reconstruction peut être un acte de beauté, de mémoire et de résilience. Ses réalisations sont désormais étudiées, restaurées, et intégrées au patrimoine historique des Antilles françaises

Bibliographie 

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Sources

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