Al Lirvat
(1916 – 2007)
Musicien, tromboniste et chef d’orchestre guadeloupéen
L’enfance d’Al Lirvat
Albert Adolphe LIRVAT, connu plus tard sous le nom de Al Lirvat, est né le 12 février 1916 à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.
Il grandit dans un contexte colonial où la musique est omniprésente dans les rues, les bals populaires et les cérémonies familiales.
Issu d’un milieu modeste, dès son plus jeune âge, il montre un talent remarquable pour la musique.
A la mort de son beau-père, André Lirvat, le jeune Albert sera confié à sa marraine dont le mari Léogane tient un magasin d’instruments de musique sur la Place de la Victoire à Pointe-à-Pitre.
Grace à lui Albert s’exerce à la mandoline puis au banjo.
Très sensible à la musique, l’enfant est fasciné par les fanfares locales et les instruments à vent, en particulier le trombone, qui deviendra son instrument fétiche.
Dès l’école primaire, il se distingue par son oreille musicale.
À 10 ans, Albert fabrique lui-même des instruments rudimentaires à partir de matériaux de récupération. Durant son adolescence, il intègre une fanfare locale où il reçoit les bases de la lecture musicale et de l’improvisation.
A l’âge de 16 ans, il compose le morceau Touloulou qui restera un grand standard du répertoire antillais
Jeune adulte, il décide de quitter son île natale pour la métropole afin de poursuivre ses études et pour trouver de nouvelles inspirations.
En 1935, il s’installe à Paris et devient l’un des grands ambassadeurs du jazz antillais. Parallèlement, il obtient un diplôme d’ingénieur.
Al Lirvat rejoint d’abord les orchestres d’Alexandre Stellio et d’Arsène Tumba, deux grandes figures du monde antillais à Paris.
Très vite, il se fait un nom grâce à sa maîtrise du trombone et à son charisme sur scène.
Il se produit ensuite, dans les cabarets les plus en vue du moment, comme « le Bal Nègre », « la Canne à Sucre » ou « le Théâtre de l’Étoile ».
Durant cette période, il fait connaissance avec le chef d’orchestre Félix Valvert qui lui propose d’intégrer sa formation à la seule condition de troquer sa guitare contre un trombone. AL Lirvat accepte et intègre le groupe composé de Félix Valvert, Eugène Lellouche, Robert Mavounzy et Claude Martial.
Mais la guerre le rattrape …
Une trajectoire marquée par la guerre et les rencontres
Pendant la Seconde Guerre mondiale, AL Lirvat quitte la zone occupée pour rejoindre la zone libre, en compagnie de Félix Valvert et du clarinettiste Robert Mavounzy.
Il séjourne à Marseille, où il accompagne brièvement Édith Piaf sur la scène » L’Odéon » de Marseille avant de remonter vers Paris.
De retour à Paris en 1942, il est sollicité par son ami Robert Mavounzy pour jouer dans les formations musicales de La Cigale, haut lieu du spectacle parisien.
Il y gagne en notoriété et devient chef d’orchestre de 1955 à 1961.
Entre 1976 et 1977, il dirigera les orchestres de La Boule Blanche et de la Canne à Sucre, tout en poursuivant sa carrière de musicien indépendant.
🥁 Développement du biguine-jazz et invention du wabap
Entre 1946 et 1954, AL Lirvat se consacre pleinement à la musique antillaise, intégrant plusieurs groupes et développant une signature sonore originale.
À partir des années 1950, sa musique prend un tournant décisif. Lors d’un concert de Dizzy Gillespie à la Salle Pleyel en février 1948, il découvre les innovations du bebop et du cubop.
Cette révélation le pousse à inventer un nouveau style : le Wabap.
Le wabap transpose les principes du jazz moderne à la biguine : harmonies dissonantes, tempos rapides, et surtout thèmes musicaux en 32 mesures, rompant avec les structures traditionnelles.
En 1954, AL LIRVAT est sollicité par le nouveau chef d’orchestre de la » Cigale, le trompettiste noir Américain Jack BUTTLER pour animer les bals du Week end.
🎙️ Collaborations de prestige et croisement des genres
Entre décembre 1959 et janvier 1961, AL Lirvat accompagne Joséphine Baker sur la scène mythique de l’Olympia, renforçant son statut d’artiste accompli.
Mais sa musique déroute, trop avant-gardiste pour les puristes du jazz, trop audacieuse pour les défenseurs de la biguine classique.
Il continue pourtant d’innover, en créant des formes comme le kalangué, le beka, ou encore la biguine ka, qui fusionnent les percussions traditionnelles avec les arrangements modernes.
Il développe aussi une fusion originale entre les rythmes traditionnels de la biguine et les harmonies du jazz. Ce sera le début de la biguine-jazz, dont il est l’un des fondateurs.
Le concept séduit autant les Antillais expatriés que les amateurs de musique en quête de nouveauté.
Il collabore aussi avec d’autres grands noms de la musique antillaise comme Ernest Léardée, Robert Mavounzy, ou encore Henri Guédon.
AL LIRVAT officiera à la cigale jusqu’à sa fermeture le 28 septembre 1975,
Le 24 mars. 1974 AL LIRVAT perd son grand ami Robert Mavounzy
Chef d’orchestre, compositeur, pédagogue
Dans les années 1950 et 1960, Al Lirvat dirige ses propres formations. Il compose des titres devenus cultes tels que :
🎵 Jojo
🎵 Ti Moun Pointe-à-Pitre
🎵 Moin en Minuit
🎵 Mi bèl journée… Mim’
🎵 C’est ça la biguine
Il collabore avec de nombreux musiciens antillais et participe à la création d’une véritable école créole de jazz, où se côtoient improvisation, percussions caribéennes, et arrangements sophistiqués.
Il est considéré comme un pont entre les traditions populaires des Antilles et le langage du jazz moderne.
De 1962 à 1964, Al Lirvat effectue une tournée en Afrique, puis il participe au tournage du film » Paris Blues » avec Duke Ellington et Louis Armstrong.
Retour en Guadeloupe et transmission
De retour en Guadeloupe en 1970, Al Lirvat poursuit sa carrière, tout en s’impliquant dans la transmission aux jeunes générations.
Ainsi, il donne des concerts pédagogiques, participe à des émissions radiophoniques, et reste une voix influente dans les débats sur l’identité musicale antillaise.
En 1991, il fera même une courte apparition dans le film « Siméon » de la réalisatrice Euzhan Palcy, contribuant à populariser la culture créole à l’écran.
Il continuera à jouer jusqu’à un âge avancé, apparaissant dans des festivals, animant des ateliers, et inspirant toute une nouvelle vague de musiciens créoles.
Un héritage musical vivant
Al Lirvat s’éteint le 30 juin 2007, à l’âge de 90 ans.
Il laisse derrière lui une œuvre intense, riche et inventive.
Il est aujourd’hui considéré comme l’un des pionniers du jazz créole, aux côtés d’Alexandre Stellio, Ernest Léardée et Robert Mavounzy.
Son nom reste synonyme d’audace, de fierté culturelle et d’excellence musicale.•
Albums clés :
• Al Lirvat and His Cigal’s Band (Paris 1955), avec Benny Waters
• Biguine Wabap (1977) et Wabap (2002
Compilations telles que :
• Mémoires de la Biguine (2002),
• Nostalgie Caraïbes (1973)
• Hommage à Al Lirvat (1997).
Son œuvre continue d’inspirer musiciens et chercheurs, notamment dans les études sur la créolisation de la musique.
La reconnaissance
1978 : Prix Maracas d’Or
1997 : Médaille Vermeil de la ville de Paris
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