Jean-Jacques Seymour
Un parcours médiatique d’exception
(1949-2023)
Il y a des personnes qu’on a du mal à remplacer, parce qu’elles sont tout simplement irremplaçables.
Jean-Jacques Seymour nous a quittés il y a deux ans déjà, mais son souvenir, lui, reste intact.
Sa voix, sa rigueur, sa passion pour la Caraïbe et son regard lucide sur le monde continuent d’inspirer tous ceux qui ont eu le privilège de l’écouter, de le lire ou de travailler à ses côtés.
Son héritage dépasse les ondes. C’est celui d’un homme qui a donné une voix à la mémoire et à la dignité antillaise.
Une carrière d’exception
Pendant plus de quarante ans, Jean-Jacques Seymour a incarné une parole journalistique forte, indépendante et profondément ancrée dans la réalité antillaise.
Tour à tour journaliste radio, présentateur télé, essayiste et éditorialiste, il a su mêler rigueur, engagement et curiosité intellectuelle.
Son œuvre, tout comme son parcours, témoigne d’un amour indéfectible pour la Caraïbe, sa diversité et ses combats.
La radio comme vocation
Né le 31 juillet 1949 à Mézin dans le Lot-et-Garonne d’un père guadeloupéen originaire de Point-à-Pitre et d’une mère agenaise, Jean-Jacques Seymour se passionne très tôt pour la politique et les relations internationales.
Diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Toulouse, il choisit la voie du journalisme au milieu des années 1970.
Il débute à la radio Jumbo, l’une des pionnières des ondes antillaises, avant d’intégrer la rédaction du quotidien France-Antilles. Très vite, sa voix et son ton direct séduisent les auditeurs.
« Le micro, c’est une arme de vérité. À nous de savoir la manier sans blesser, mais sans fuir non plus. »
Radio Caraïbes International : l’ascension
En 1978, il rejoint Radio Caraïbes International (RCI), où il devient une figure emblématique du journalisme antillais.
Il y anime des débats politiques, dirige les journaux d’information et accède au poste de rédacteur en chef.
Seymour y impose une ligne éditoriale claire : proximité, respect, exigence. Il donne la parole aux élus, syndicalistes, artistes et citoyens tout en abordant les grands enjeux de société :
le chômage, l’identité, la culture créole, l’environnement, ou encore les relations avec la métropole.
La télévision : l’expérience TCI
Dans les années 1990, il rejoint Télé Caraïbes International (TCI), dont il devient l’un des piliers.
Il y produit et présente « Le Grand Oral », émission de débat et d’analyse politique diffusée dans toute la Caraïbe.
Même si l’expérience TCI s’arrête après quelques années, elle marque les esprits. Pour la première fois, une télévision caribéenne francophone s’adresse à la diaspora de manière structurée et professionnelle.
Paris et le rayonnement ultramarin
Installé ensuite en région parisienne, Jean-Jacques Seymour collabore avec Tropiques FM, Radio Fusion et Canal3Monde.
Il y anime des chroniques géopolitiques et culturelles consacrées à la Caraïbe, l’Afrique et la diaspora noire.
Son style, alliant verve intellectuelle et humour, séduit aussi bien le grand public que les cercles universitaires.
En parallèle, il devient formateur et conférencier, intervenant sur les thèmes de la liberté de la presse, de l’identité ultramarine et du rôle des médias dans la société postcoloniale.
L’écrivain et le penseur de la Caraïbe
En dehors des studios, Jean-Jacques Seymour s’est illustré comme essayiste engagé.
Son œuvre écrite est traversée par une réflexion constante sur la Caraïbe, la mémoire coloniale et la mondialisation.
Ses principales publications :
- La Caraïbe, des brûlots sur la mer (1981)
➤ Premier essai consacré à la complexité politique et culturelle des îles caribéennes.
➤ Il y aborde les luttes d’indépendance, les fractures linguistiques et la quête identitaire des peuples antillais. - Une obsession nommée Hugo (2007)
➤ Ouvrage politique sur Hugo Chávez et la révolution bolivarienne.
➤ Il y analyse la fascination latino-caribéenne pour le pouvoir charismatique et les idéaux d’émancipation. - Les Chemins des proies (2010)
➤ Texte introspectif entre essai et récit, sur la condition humaine et les luttes sociales. - Cuba, l’odyssée médicale (2018)
➤ Son ouvrage le plus marquant, consacré au modèle médical cubain et à la solidarité internationale.
A travers ces publications, Seymour a su tisser un pont entre journalisme, littérature et géopolitique, rappelant que l’actualité ne prend sens que lorsqu’elle s’inscrit dans la mémoire collective.
Une voix engagée pour la Caraïbe et la vérité
Derrière la voix posée du journaliste, il y avait un homme de conviction : faire entendre les réalités et les luttes des peuples caribéens.
Seymour croyait à une information responsable, contextualisée et enracinée.
« Informer, c’est éclairer, pas influencer. »
Il dénonçait les dérives médiatiques et défendait une presse libre, capable de parler au monde sans tutelle.
Un militant caribéen et humaniste
Dans ses chroniques et ses livres, Seymour défendait une vision unie du bassin caribéen : un espace culturel et politique entre l’Amérique latine, l’Afrique et l’Europe.
Ses émissions abordaient :
- la solidarité entre les îles de la Caraïbe francophone, hispanophone et anglophone ;
- les relations entre les DOM et la métropole ;
- et la culture créole comme vecteur d’unité.
« Nous sommes au cœur du monde. Encore faut-il que nous le réalisions. »
RCI, 1995
La transmission et la jeunesse
Jean-Jacques Seymour croyait profondément à la transmission du savoir.
Dans ses dernières années, il animait des ateliers radio et des rencontres scolaires en Martinique et en Guadeloupe pour initier les jeunes à l’éthique journalistique.
« La jeunesse antillaise a droit à des modèles qui lui ressemblent. »
Il militait aussi pour la valorisation des figures historiques de la Caraïbes tels qu’Aimé Césaire, Suzanne Césaire, Édouard Glissant, Frantz Fanon, les sœurs Nardal…
Un homme de cœur et de solidarité
Humaniste convaincu, Seymour s’impliquait dans des actions d’entraide sociale et de santé publique.
Son dernier ouvrage, Cuba, l’odyssée médicale, illustre son admiration pour les médecins cubains envoyés en mission à travers le monde.
« Nous devons apprendre à soigner notre mémoire comme on soigne un corps malade. »
Une reconnaissance méritée
Pour son engagement et son dévouement, Jean-Jacques Seymour fut décoré de la Médaille d’Argent de l’Encouragement Public,
au titre de l’Œuvre Humanitaire d’Entraide Sociale.
Cette distinction souligne la dimension profondément humaine du parcours d’un homme de presse, mais surtout d’un homme de valeurs.
Une voix éternelle
Jean-Jacques Seymour s’est éteint le 13 octobre 2023 au Chesnay, à l’âge de 74 ans. Ses funérailles à l’église Sainte-Ambroise à Paris ont réuni énormément de journalistes, d’artistes et des responsables politiques.
« Jean-Jacques Seymour aura donné aux Antilles une voix claire, libre et instruite. »
Guy Losbar, président du Conseil départemental de la Guadeloupe
Son héritage demeure :
- une éthique journalistique fondée sur la rigueur et la vérité ;
- une œuvre littéraire éclairant la Caraïbe ;
- et un engagement indéfectible pour la dignité et la parole ultramarine.
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